Conventions de stages: Les abus persistent
EDUCATION•Des organismes à la limite de la légalité permettent d'entrer dans des entreprises moyennant quelques centaines d'euros...Laure Cometti
«J’ai dû payer pour travailler. » C’est ainsi que Thomas*, 25 ans, résume ses débuts professionnels. Comme d’autres jeunes diplômés étant passé de la case école à la case chômage, il s’est inscrit à une formation payante dans le seul but d’obtenir une convention de stage. Le renforcement de la loi n’a pas nui aux sociétés qui proposent ce stratagème à la limite de la légalité.
Témoignages : « J’ai payé pour travailler mais ce stage a débouché sur un CDI »
Etudiants « fantômes »
Selon le guide des stages étudiants, édité par le ministère de l’Enseignement supérieur, il faut suivre une formation de 200 heures d’enseignement par an au minimum pour obtenir une convention de stage. Ledit stage doit avoir « un rapport avec le cursus suivi ».
Dans les faits, il est possible de contourner ces règles, même au sein d’un établissement public. Diplômé d’une école de commerce, Fabrice, 25 ans, s’est inscrit à la fac à Paris, en troisième année de licence d’histoire, dans le but d’effectuer un stage dans une entreprise de commerce en ligne. « J’ai justifié ce choix à mon tuteur universitaire en disant que les projets de la société en Afrique mobiliseraient mes connaissances géopolitiques », raconte-t-il, mi-goguenard, mi-sceptique. Fabrice était ce qu’on appelle un étudiant « fantôme ». Il n’a jamais mis les pieds en amphi, un absentéisme qui lui a valu des zéros pointés, mais qui lui a permis d’ajouter une ligne supplémentaire sur son CV.
Une convention délivrée en 24 heures
Moyennant des frais d’inscription allant de 400 à 600 euros, auxquels s’ajoutent parfois des frais proportionnels à la durée du stage, de nombreux organismes privés délivrent des conventions de stage « sous 48 heures » ou « en un jour ouvré ». Leurs sites Internet sont très bien référencés dans les moteurs de recherche.
La plupart des organismes se donnent la peine de prendre des airs de formation à distance, avec un site Web « vitrine », promettant une formation théorique. En réalité, les étudiants ne sont pas obligés de suivre ces cours, et encore moins de les valider, si tant est qu’ils existent. Le guide du ministère de l’Enseignement supérieur indique pourtant que, pour délivrer une convention, ces formations à distance doivent être prodiguées « en présence de l’étudiant ». Un critère vague qui ne semble pas être appliqué.
L’un de ces sites arbore même dans un coin de sa page d’accueil un logo bleu-blanc-rouge estampillé de la mention « Rectorat de Paris ». « Tout établissement d’enseignement supérieur doit être déclaré au rectorat compétent, mais la déclaration n’a aucune valeur d’agrément », explique le rectorat de Paris à 20 Minutes, suggérant de contacter le ministère de l’Enseignement supérieur pour plus de renseignements sur le contrôle et les éventuelles sanctions encourues par les « marchands de stage ». Contacté à plusieurs reprises, celui-ci n’avait pas donné suite aux demandes de 20 Minutes ce lundi.
Chômage croissant
Une loi adoptée en juillet 2014 a renforcé l’encadrement des stages étudiants. La gratification légale a notamment été augmentée d’une centaine d’euros (passant de 436,05 à 523,26 euros). Mais la limitation de la durée du stage à six mois et le plafonnement du nombre de stagiaires par entreprise n’ont à ce jour pas permis de créer des postes juniors.
Même si le diplôme reste un rempart contre le chômage, les jeunes diplômés du supérieur sont touchés par la crise. Selon des chiffres de l’Insee publiés en 2014, 11 % d’entre eux ne trouvent pas d’emploi dans les quatre années suivant la fin de leurs études, contre 5 % en 2008.
* Le prénom a été changé.