Rapport SOS Homophobie: «Certains parents ressentent le coming out de leur enfant comme un affront à leur bonne éducation»
INTERVIEW•Yohann Roszéwitch, le président de l'association, explique pourquoi l'homophobie familiale ne faiblit pas...Propos recueillis par Delphine Bancaud
Déclarer à ses proches que l’on est homosexuel s’avère toujours aussi difficile dans beaucoup de familles. La preuve avec les chiffres du rapport annuel de SOS homophobie rendu public ce mardi. En 2014, l’association a reçu 230 témoignages de victimes d’actes homophobes perpétrés dans le contexte familial. Une hausse de 11% par rapport à l’an dernier qui inquiète Yohann Roszéwitch, le président de SOS homophobie.
Comment expliquez-vous la hausse des appels de personnes qui se disent victimes d’homophobie dans le cadre familial?
Ce chiffre était déjà en hausse l’an dernier et témoignait du fait que le débat sur le mariage pour tous et l'adoption aux couples de personnes de même sexe a décomplexé la parole homophobe dans notre société. Un phénomène qui n’a pas épargné la famille, alors qu’elle devrait être un cocon protégeant des discriminations. Du coup, certains jeunes qui pressentent des réactions hostiles taisent leur homosexualité chez eux.
Qui sont les victimes de cette homophobie familiale?
Elle touche tous les milieux, mais est plus manifeste dans les familles pratiquantes, quelle qu’en soit la religion. Les femmes sont surreprésentées dans les victimes, car leur famille leur reproche de ne pas s’inscrire dans le chemin tout tracé imaginé pour elles. Si les jeunes forment le gros bataillon des victimes, certains adultes subissent aussi l’opprobre de leur famille, par exemple lorsqu’ils quittent leur conjoint pour s’installer avec une personne du même sexe. Dans ces cas-là, leur homosexualité est même souvent utilisée pour tenter de les décrédibiliser afin d’obtenir la garde des enfants.
Comment se manifeste ce rejet?
Après avoir fait leur coming out, certaines personnes sont insultées par leurs parents ou par leurs frères et sœurs. D’autres sont victimes de privations, de chantages ou sont exclues des réunions de famille. Nous avons aussi reçu le témoignage de jeunes homosexuels forcés par leurs proches de participer à un rassemblement de la Manif pour tous. D’autres sont envoyés chez le psy par des parents qui pensent que l’homosexualité est un choix ou une maladie. Et parmi les témoignages de victimes de violences physiques que nous recevons, la moitié déclare qu’elles ont été commises par un proche. Enfin, dans les cas extrêmes, de jeunes homos sont chassés de chez eux après avoir révélé leur orientation sexuelle à leurs parents.
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Comment expliquer que les mentalités avancent si peu sur le sujet?
Pour beaucoup de parents, leur enfant est présumé hétérosexuel. Lorsqu’ils découvrent que ce n’est pas le cas, leur représentation de l’enfant idéal s’écroule. Beaucoup considèrent encore que l’homosexualité est contre nature. Ils ressentent le coming out de leur enfant comme un affront à leur bonne éducation.
Quelles aides sont proposées aux personnes qui souffrent de ce rejet familial?
Outre notre ligne d’écoute et notre tchat, nous avons créé un site dédié aux jeunes cestcommeca.net, qui leur propose des conseils pour faire leur coming out et se faire aider en cas de gros problèmes. L’association Contact permet aussi d’aider les lesbiennes, les gays et les bisexuels à communiquer avec leur entourage. Elle propose aussi des groupes de paroles pour aider les familles à accepter l’homosexualité ou la bisexualité de leur proche.