INTERVIEW«Les Français ne souhaitent pas que le monde de 2035 soit radicalement différent d'aujourd'hui»

«Les Français ne souhaitent pas que le monde de 2035 soit radicalement différent d'aujourd'hui»

INTERVIEWMarion Desreumaux, directrice d'études chez Harris Interactive, commente les résultats d'une étude sur le futur imaginé par les Français...
Céline Boff

Propos recueillis par Céline Boff

Payer avec ses doigts, voter par bulletin électronique, imprimer ses vêtements… Voilà ce que nous ferons en 2035, d’après les Français d’aujourd’hui. C’est ce qui ressort d’une enquête réalisée par Harris Interactive et dévoilée en exclusivité par 20 Minutes. Marion Desreumaux, directrice d'études du département Politique-Opinion, revient sur les principaux résultats de cette incursion fantasmée dans l’avenir.

Pourquoi avez-vous réalisé cette étude?

Nous fêtons nos 20 ans cette année et plutôt que de nous interroger sur les 20 dernières années, nous avons eu envie de questionner les Français sur les 20 années à venir. De savoir comment ils imaginent le monde en 2035 dans les domaines de la consommation, de la politique, du travail, de la santé, etc. Nous avons voulu comprendre ce qu’ils attendent, ce qu’ils espèrent et ce dont ils ne veulent pas.

Justement, que rejettent-ils?

Les Français ne rejettent pas les nouvelles technologies. Ils pensent qu’elles peuvent leur apporter un gain de temps et une meilleure qualité de vie, mais dans le même temps, ils expriment de nombreuses inquiétudes et un fort attachement aux modes de vie actuels. Par exemple, les citoyens auraient très envie d’avoir en 2035 un robot qui fait le ménage chez eux. A l’inverse, même s’ils sont d’accord pour effectuer leurs courses en ligne, ils ne veulent pas que les supermarchés disparaissent… En fait, tout ce qui peut conduire à une forme de déshumanisation suscite chez les citoyens un rejet très fort.

De quoi rêvent-ils?

Ils imaginent que les nouvelles technologies apporteront des progrès significatifs en matière de santé, de transports et de logements. Plus généralement, nous avons été frappés par la place très forte accordée à l’environnement dans les évocations spontanées. Les Français veulent un monde plus propre, plus écologique mais aussi plus raisonnable, plus collaboratif, plus sain.

Tous les citoyens envisagent-ils de la même manière 2035?

Certains ont plus de facilité à se projeter. Ce n’est pas l’âge, mais la catégorie socioprofessionnelle qui joue le plus. Plus les personnes sont diplômées, plus leurs revenus sont conséquents et plus elles ont confiance dans l’avenir. A l’inverse, les ouvriers expriment davantage de craintes. Ils ont peur de voir leurs métiers remplacés par des robots, ils redoutent aussi de ne plus avoir les moyens financiers de se soigner. Le genre joue également -les hommes se montrent plus téméraires, les femmes, plus méfiantes- tout comme la sensibilité politique -les sympathisants de droite et de gauche sont bien plus confiants que les frontistes.

Quel résultat vous a le plus surpris?

Tout ce qui est le plus radical ne suscite pas du tout l’intérêt des Français. La vie éternelle, la cryogénisation… Ils n’y croient pas et ils n’en veulent pas. Ils ne souhaitent pas non plus se rendre sur Mars. Ils se montrent en fait très raisonnables dans leurs attentes. Ils n’imaginent pas qu’en 2035, le monde sera radicalement différent d’aujourd’hui et ils ne le souhaitent pas. Peu disent qu’il faut faire table rase de tout.

Même en politique?

78% des Français pensent qu’en 2035, nous aurons changé de République, que la démocratie sera plus participative, qu’une femme aura été élue présidente, que le cumul des mandats sera interdit et qu’il y aura une coalition de plusieurs partis au pouvoir… Nous voyons qu’il s’agit-là d’un mix de projections et de souhaits. Dans ce domaine, les Français appellent vraiment le changement de leurs vœux.