JUSTICEDroit au logement: La France condamnée pour ne pas avoir relogé une famille

Droit au logement: La France condamnée pour ne pas avoir relogé une famille

JUSTICEC'est la première fois que la justice européenne traite une affaire de ce type concernant la France….
Fabrice Pouliquen

Fabrice Pouliquen

C’est une première! La France a été condamnée jeudi par la justice européenne pour n'avoir pas relogé une famille. La requérante, une quadragénaire camerounaise vivant à Paris avec sa fille et son frère dans des locaux insalubres, se plaignait devant la Cour européenne des droits de l'Homme (CEDH) de l'inexécution d'un jugement de 2010 lui octroyant un logement.

Elle aurait du bénéficier du droit au logement opposable

Elisabeth Tchokontio Happi avait pourtant franchi toutes les étapes permettant de bénéficier du droit au logement opposable (Dalo), mis en place par une loi en 2007 et qui oblige l'Etat à trouver une solution de logement pour les plus démunis.

Elle avait d'abord été reconnue prioritaire par une commission ad hoc pour obtenir une proposition de relogement. Le délai de six mois n'ayant pas été respecté, un tribunal administratif avait ensuite enjoint l'Etat d'assurer son relogement en 2010.

Faute de l'avoir fait, l'Etat a dû verser plus de 8.000 euros à un fonds spécial, mais cela n'a pas réglé le problème de l'intéressée. «C'est pour cela que l'on s'est tourné vers la CEDH» en 2012, a expliqué à l'AFP son avocat, Me François Ormillien.

59.000 ménages actuellement dans l’attente d’un relogement

Si sa cliente vient «de se voir proposer un nouveau logement», l'avocat espère que l'arrêt de la Cour va «donner un moyen de pression pour la suite» pour les nombreuses personnes qui sont dans la même situation.

Plus de 59.000 ménages se trouvent actuellement dans l'attente d'un relogement, après des demandes validées par les commissions de médiation, selon le Haut Comité pour le logement des personnes défavorisées (HCLPD).

Et en 2014, 8.519 jugements ont été prononcés pour des non-relogements de personnes pourtant reconnues comme devant bénéficier du Dalo, selon cette instance chargée du suivi de la loi de 2007.

«Entre 2008 et 2013, l'Etat a versé 65 millions d'euros pour non-relogement de bénéficiaires du droit au logement opposable», souligne son secrétaire général, René Dutrey. Pour lui, l'Etat, plutôt que d'avoir à payer ces sommes, devrait mettre «enfin les moyens nécessaires pour faire respecter le droit au logement opposable». Il faut mettre en place «un plan d'urgence, comportant des objectifs chiffrés par territoires», a-t-il plaidé jeudi après la publication de l'arrêt de la Cour de Strasbourg.

Dans son arrêt, la CEDH reproche à la France d'avoir violé le droit à un procès équitable d’Elisabeth Tchokontio Happi en n'ayant toujours pas exécuté, après plus de trois ans, la décision de justice la concernant.

La CEDH n'a accordé aucun dédommagement financier à la requérante, qui n'en avait pas demandé. L'arrêt de jeudi n'est pas encore définitif: les parties disposent de trois mois pour demander un réexamen de l'affaire par la Grande chambre de la Cour, qui n'est pas tenue de l'accorder.