CATASTROPHECrash d’un avion A320: Faut-il renforcer le suivi psychologique des pilotes?

Crash d’un avion A320: Faut-il renforcer le suivi psychologique des pilotes?

CATASTROPHEDes voix s’élèvent pour pointer des failles, malgré les appels au calme des professionnels de l’aviation...
Nicolas Beunaiche

N.Beu.

Et si le danger venait désormais aussi du cockpit? Alors que le monde de l’aviation vit depuis le 11-Septembre avec la peur de la menace terroriste, l’hypothèse de la folie suicidaire du copilote de l’avion de Germanwings, avancée jeudi, a provoqué une onde de choc à travers la planète. Rapidement, elle a évidemment posé la question du suivi psychologique des pilotes. Des failles dans l’accompagnement et la surveillance d’Andreas Lubitz auraient-elles contribué à la catastrophe? Face aux interrogations et aux critiques, les professionnels appellent à la retenue et à la réflexion.

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Jeudi, le patron de Lufthansa a défendu les procédures en vigueur dans la compagnie et la gestion du cas Lubitz. Après une interruption de sa formation (due à une dépression, selon Bild), le copilote a repassé avec succès tous les tests techniques et psychologiques, a justifié Carsten Spohr, le PDG de la compagnie. «Il était apte à 100% à voler», a-t-il assuré. Avant de conclure, fataliste, que «quelles que soient les mesures de sécurité que vous pouvez avoir dans une société, quelle que soit la rigueur des procédures, rien ne pourrait empêcher un tel acte isolé».

Prudence et retenue des organismes

«Dans tous les cas, aucune batterie de tests n’aurait pu prévoir un tel geste», assure un pilote. Car détecter une dépression est une chose –Lubitz a bien été diagnostiqué-, anticiper un tel drame en est une autre, a rappelé l’un de ses collègues, Alain Armingaud, sur Europe 1. «Le problème, c’est de déterminer si cette dépression peut conduire à une issue fatale ou si c’est un problème passager. C’est difficile», a-t-il expliqué. «Le cas d’Andreas Lubitz est tout de même singulier, a enfin avancé Guillaume Schmid, porte-parole du syndicat de pilotes SNPL. Il faut prendre garde aux réactions émotionnelles et surtout attendre les conclusions de l’enquête avant de revoir les procédures.» Un énième appel à la prudence d’une profession qui ne veut pas se précipiter.

Pour le moment, rien n’a en effet été annoncé en matière de suivi psychologique des pilotes. Mais «des choses vont certainement changer», prédit Guillaume Schmid, porte-parole du syndicat SNPL. Quoi donc? Contactée, la Direction générale de l’aviation civile (DGAC) refuse évidemment d’en dire plus alors que les causes de l’accident n’ont pas été établies avec exactitude. Idem pour l’Association Internationale du transport aérien (IATA), qui a appelé dans un communiqué vendredi à attendre toutes les conclusions de l'enquête sur l'accident pour «déterminer les mesures qui peuvent empêcher une tragédie comme celle-là de se reproduire».

Le médecin de Lubitz complice?

Mais des voix se sont déjà élevées pour pointer des possibles failles dans le dispositif. Deux points cristallisent les critiques: la faible fréquence des rendez-vous médicaux et la responsabilité du médecin. Actuellement, les pilotes sont tenus de voir un médecin une fois par an. Un examen poussé qui leur permet de renouveler leur certificat d’aptitude physique et mentale, et qui est aussi l’occasion de faire un point sur leur moral. Mais «c’est très succinct», indique un pilote interrogé par L’Obs. «Evidemment, quelqu’un peut tout à fait passer à travers ces contrôles et ne pas être détecté», assure-t-il. «Il faudrait un véritable suivi psychologique des pilotes, lance le docteur François Baumann, médecin généraliste et auteur de plusieurs ouvrages sur le burn-out. Le problème, c’est que notre société n’est pas assez tournée vers la psychologie…»

Autre point de critique: la relation patient-médecin-employeur. Selon le parquet, Andreas Lubitz aurait vraisemblablement réussi à dissimuler à Germanwings le fait que son médecin lui avait donné un arrêt de travail. Une situation dont le député et médecin Bernard Debré rend complice le médecin du copilote. «Le médecin de cet homme savait que son patient était dépressif, explique-t-il. Celui-ci était probablement sous médicaments antidépresseurs, dont on sait qu’ils désinhibent et que certains multiplient par deux ou par trois le risque de crimes ou de suicides.» «Il aurait donc dû prévenir la compagnie du danger que présentait son patient», en conclut-il, quitte à briser le secret médical.

>> Un pilote français pourrait-il cacher son arrêt de travail à sa compagnie?

En attendant les conclusions de l’enquête, les compagnies ne sont toutefois pas restées sans réaction. A défaut de modifier le suivi psychologique des pilotes, nombre d’entre elles, et notamment les allemandes, ont décidé de rendre obligatoire la présence permanente de deux personnes dans le cockpit des avions de ligne.