Deux ans après les «papas perchés», «rien n'a changé»
SOCIETE•Deux candidats aux élections départementales se sont présentés pour promouvoir l’égalité parentale, en écho au combat des pères séparés pour voir davantage leur enfant…Faustine Vincent
Où en est le combat des pères pour la garde de leur enfant ? En 2013 sont apparus les premiers «papas perchés» - sur des grues, des cheminées ou des églises - pour réclamer la mise en place de la garde alternée systématique pour leur enfant après une séparation, au lieu du classique «un week-end sur deux». Leitmotiv : les pères sont lésés par les décisions de justice, qui accordent la garde exclusive à la mère dans 71% des cas. En 2015, deux candidats sans étiquette, Stéphanie Hain et Sébastien Dolo, se sont présentés aux élections départementales dans le canton de Granville pour sensibiliser sur la nécessité d’instaurer «l’égalité parentale». Leitmotiv : ce sont les mères qui sont lésées, puisqu’elles ont la charge d’élever, seule, leur enfant dans la majorité des cas.
«Les juges sont encore dans des clichés éducatifs et refusent la parité et l’égalité. Or l’inégalité est préjudiciable à la mère, explique Stéphanie Hain, conseillère en insertion professionnelle. Cela la conduit à l’épuisement, c’est un frein à son insertion ou son évolution professionnelle, et un frein à son retour à la vie affective.» Elle dit «soutenir les pères qui n’ont pas accès à l’égalité parentale» mais regrette que «beaucoup de pères se satisfont de voir leur enfant 4 jours par mois».
Le gouvernement défavorable à la résidence alternée systématique
A l’association SVP papa, la plus radicale de toutes, «on critique ces pères qui ne demandent pas la garde alternée quand ils peuvent le faire», assure son président, Yann Vasseur. Mais, deux ans après la réouverture du dossier des «papas lésés» par le gouvernement, il estime que «rien n'a changé» et prévoit «de nouvelles grimpes sur des établissements» pour se faire entendre. «On veut imposer aux juges la résidence alternée systématique car c’est un principe d’égalité», explique Yann Vasseur, qui admet adopter une position victimaire «par stratégie : on fait comme le camp d’en face [les mères] puisque ça marche».
La résidence alternée a presque doublé en dix ans, passant de 12 % des décisions des juges aux affaires familiales en 2003 à 21 % en 2012, selon le ministère de la Justice. Mais la systématisation de cette décision a peu de chance de voir le jour. «Il est faux, voire dangereux, de vouloir imposer une même solution, un même mode de résidence à toutes les familles, explique-t-on au ministère de la Famille. Il faut se pencher sur chaque cas car chaque cas est différent».
Miser sur la médiation familiale
Le ministère rappelle qu’«il n’y a que 10% des cas pour lesquels les parents ne sont pas d’accord sur la résidence de leur enfant» et que «lorsque le père demande la résidence alternée et que la mère refuse, le juge l’impose quand même dans 25% des cas».
Pour prévenir les conflits, le gouvernement préfère miser sur les services de la médiation familiale, dont il va renforcer les moyens. Il va ainsi doubler les crédits octroyés à la Caisse nationale des allocations familiales (CNAF) entre 2012 et 2017 «pour développer le soutien à la parentalité».
Geste symbolique, les termes de «résidence principale» et de «droit de visite et d’hébergement» ont en revanche été bannis dans la proposition de loi relative à l'autorité parentale et à l'intérêt de l’enfant (aussi appelée «loi famille»), adoptée en mai dernier par l’Assemblée nationale. La loi prévoit la double domiciliation pour l’enfant, mettant fin à «des appellations d’un autre âge qui ne correspondent pas du tout à la réalité de ce que vivent les parents et à leur implication», explique le ministère de la Famille.
«Si la loi est adoptée en l’état, on va perdre la capacité à suivre les statistiques de résidence alternée», s’inquiète Jean Latizeau, président de SOS Papa, dénonçant des «faux-semblants». «A moins d’une prise de conscience miraculeuse, il ne se passera rien, regrette-t-il. On peut juste espérer que les sénateurs amenderont la loi». Aucune date de passage devant le Sénat n’a encore été fixée.