SOCIETEAction de groupe: Bientôt une nouvelle arme contre les discriminations?

Action de groupe: Bientôt une nouvelle arme contre les discriminations?

SOCIETEFrançois Hollande a relancé le débat mercredi...
Thibaut Le Gal

Thibaut Le Gal

Contre les discriminations, l’union fait-elle la force? François Hollande a indiqué mercredi dans le Parisien son souhait de rendre applicable l’action de groupe à la lutte contre les discriminations. Ce procédé était une mesure phare de la loi Hamon, adopté en 2014.

La procédure permet à des personnes de se rassembler pour mener une action en justice et demander réparation. Pour le moment, son périmètre se limite principalement aux litiges de la consommation (opérateurs de communication électroniques, banques, internet). La ministre de la justice Christiane Taubira a confirmé mercredi à l’Assemblée que cette disposition figurerait bien dans la réforme «pour la justice du quotidien».

«S'attaquer au porte-monnaie»

La sénatrice écologiste Esther Benbassa et Ramzy Hammadi avaient chacun déposé une proposition de loi sur ce thème en 2013. Le député socialiste se félicite de la prise de position du chef de l’Etat. «Je suis partisan d’une gauche qui donne du pouvoir aux gens. L’action de groupe permet à tous de faire valoir ses droits et permet de s’attaquer au porte-monnaie, d’obtenir des réparations concrètes au-delà des condamnations symboliques».

«Par exemple si les femmes font le constat d’un écart salarial pour un même poste au sein d’une entreprise, elles pourront se constituer un groupe et via une association ou un syndicat porter l’action devant le juge», poursuit le député. «Le juge se prononcera sur la responsabilité de l’entreprise et constituera un groupe de victimes en précisant les critères de rattachement».

Un «effet dissuasif»

L’entreprise aura alors deux solutions. «Verser l’indemnisation ordonnée par le juge, ou convenir d’une médiation avec les victimes», ajoute-t-il. Le procédé permettra selon lui de lutter contre le renoncement des victimes qui font «face à de longues procédures judiciaires complexes et coûteuses pour des personnes isolées» et aura un «effet dissuasif au sein des entreprises».

Le procédé des recours collectifs vient des Etats-Unis (class actions). En 2005, la marque de vêtements Abercrombie avait par exemple été condamnée à payer 50 millions de dollars (un peu moins de 40 millions d’euros) à la suite d’une plainte pour discrimination.

L’idée est portée depuis plusieurs années par le Conseil représentatif des associations noires (Cran). Au-delà des discriminations directes, on pourrait enfin lutter contre les discriminations systémiques, par définition les plus nombreuses, mais aussi les plus invisibles», se félicite le Cran dans un communiqué. «Si la loi est votée, comme nous l'espérons, ce devrait être le texte le plus important jamais voté en France dans le domaine de la lutte contre les discriminations», a réagi son président Louis-Georges Tin.

Un procédé communautariste?

Le sociologue Jean-François Amadieu craint la récupération politique qui pourrait se cacher derrière le procédé. «Certaines associations communautaristes pourraient se servir des actions de groupe pour lancer des actions médiatiques, et demander à terme des statistiques ethniques ou une discrimination positive». Aux Etats-Unis, la class action est devenue un business. Elle est le symbole d’une judiciarisation de la société pour ses détracteurs.

Le président de l'Observatoire des discriminations reconnaît «le redoutable instrument financier contre les entreprises, concernant surtout la reconstitution des carrières des salariés discriminés», mais ne voit pas la class action comme une solution miracle. «On préfère judiciariser plutôt que de lutter en amont sur les processus qui permettent de lutter efficacement contre les discriminations». Jean-François Amadieu plaide pour le CV anonyme, «auquel sont attachés les trois quarts des demandeurs d’emploi», et généraliser les « méthodes de recrutement par simulation, utilisées par Pôle emploi, qui permet d’éviter les discriminations».