Hôpitaux et cliniques: La fixation des tarifs repoussée
SOCIETE•Ce report est inhabituel, alors même que les tensions enflent dans le monde de la santé20 Minutes avec AFP
Habituellement fixés au 1er mars par le gouvernement, les tarifs hospitaliers de l'année 2015 n'ont toujours pas été publiés dimanche. Un report inhabituel, alors même que les tensions enflent dans le monde de la santé.
Conséquence de l'introduction de la tarification à l'activité (T2A) en 2005, les tarifs hospitaliers définissent le montant des remboursements par l'Assurance maladie aux établissements hospitaliers pour les 2.300 actes de soins répertoriés, selon leur type et leur degré de sévérité. C'est donc une importante part du budget des hôpitaux et cliniques qui se décide sous l'égide de la ministre de la Santé Marisol Touraine. Mais l'arrêté se fait désirer.
Au ministère, on expliquait samedi que les «travaux (étaient) toujours en cours», pour une décision «courant mars». Les hôpitaux continuent de fonctionner normalement, mais les nouveaux tarifs s'appliqueront de manière rétroactive après leur publication, a-t-on indiqué. «La ministre a annoncé qu'elle souhaitait se donner un peu de temps», a confirmé à l'AFP le responsable de la communication de la Fédération hospitalière de France (hôpitaux publics), Emmanuel Goddat, qui prédit un retard de «deux à trois semaines».
Volonté de temporiser, de s'adapter aux revendications de chacun ou de répondre aux injonctions européennes? Dans le public comme dans le privé, on s'interroge. Depuis plusieurs semaines, hôpitaux et cliniques fourbissent leurs armes respectives pour s'éviter des baisses de tarifs trop pénalisantes, dans le contexte de restrictions des dépenses de santé.
«Racket d'Etat»
Pour la FHF, de deux choses l'une: soit le ministère opte pour une rigueur plus stricte que prévue pour répondre aux injonctions de la Commission européenne, qui demande à la France de réduire son déficit public à 4% du PIB en 2015 (au lieu de 4,1% programmés); soit «le gouvernement a pris conscience d'un certain nombre de difficultés que traverse actuellement l'hôpital public», fait valoir Goddat, en référence notamment à la surcharge des équipes médicales face à l'épidémie de grippe, plus virulente que d'habitude. Mais aussi aux emprunts toxiques contractés par certains établissements, victimes dans le même temps de l'envolée du franc suisse sur lequel étaient indexés certains emprunts.
Après de multiples alertes de la FHF, le gouvernement a porté mardi à 400 millions d'euros, contre 100 auparavant, le fonds de soutien créé pour aider les hôpitaux à éponger leurs dettes. De son côté, la Fédération de l'Hospitalisation privée (FHP), qui représente les cliniques, «déplore ce retard». «En quoi ce report change-t-il l'équation?», s'interroge-t-elle.
La FHP redoute de nouvelles baisses de tarifs, pour gommer les bénéfices fiscaux et allègements de charge accordés au titre du Crédit d'impôt compétitivité emploi (Cice) et du Pacte de responsabilité, dont bénéficient les établissements privés. Les établissements publics ne profitent pas de ces dispositifs, réservés aux entreprises. Le gouvernement joue donc sur les tarifs pour compenser.
Les cliniques craignent une baisse de 125 millions d'euros
Après des baisses de 0,24% en 2014 et de 0,21% en 2013, les cliniques craignent en 2015 une baisse de 1,75%, soit «125 millions d'euros». S'estimant «discriminée» par Marisol Touraine, la FHP avait entamé un recours contre ces baisses devant le Conseil d'Etat en 2013, mais elle vient d'être déboutée. L'occasion pour le président de la FHP Lamine Gharbi de dénoncer un «racket d'Etat», après avoir remis en question la création de 2.700 postes dans les cliniques en contrepartie du Pacte de responsabilité.
A la FHF, en revanche, on estime qu'il est temps de «revenir à plus d'équité entre le secteur public et le secteur privé» en atténuant l'«avantage certain» du Cice. Concernant les tarifs des hôpitaux, la FHF estimait il y a quelques jours que leur évolution serait «gelée, au pire négative».
Reste à connaître la position du ministère, qui doit composer avec la «situation catastrophique» dénoncée par les urgentistes dans les hôpitaux en raison de la grippe et les syndicats de médecins, qui prévoient une grande manifestation nationale contre le projet de loi Santé le 15 mars, une semaine avant le premier tour des élections départementales.