DROITAffaire Balkany: De quoi protège vraiment l'immunité parlementaire?

Affaire Balkany: De quoi protège vraiment l'immunité parlementaire?

DROITLa justice demande la levée de l'immunité parlementaire de Patrick Balkany...
Céline Boff

Céline Boff

Il avait été mis en examen en octobre pour «corruption passive et blanchiment de fraude fiscale». Le député et maire UMP Patrick Balkany pourrait désormais perdre son immunité parlementaire, toujours dans le cadre de cette affaire. Pourquoi la justice demande-t-elle la levée de cette immunité? Et en quoi consiste-t-elle précisément? 20 Minutes fait le point.

Qui dispose de l’immunité parlementaire?

Les députés, les sénateurs et les eurodéputés français, soit 999 personnes au total. Cette immunité a été créée pour protéger ces parlementaires d’éventuelles intimidations et garantir ainsi leur indépendance vis-à-vis des pouvoirs politiques et/ou privés. Apparue lors de la Révolution française, cette immunité est désormais définie par l’article 26 de la Constitution. Des dispositifs équivalents existent dans de nombreux pays.

En quoi consiste cette immunité?

Elle protège les parlementaires de toutes les opinions et les votes qu’ils peuvent émettre dans le cadre de leurs fonctions. Ils ne pourront donc jamais être condamnés dans ce cadre et cette immunité dite «de fond» ne peut pas être levée, y compris à l’issue de leurs mandats. Ensuite, il y a l’immunité «de procédure». Elle n’empêche pas la justice d’enquêter sur un parlementaire ni même de le poursuivre, mais seulement de prendre contre lui des mesures de privation de liberté (garde à vue, détention provisoire, contrôle judiciaire, etc.). Cette immunité cesse à l’issue du mandat du parlementaire. Dans le cas Balkany, la justice demande une levée de son immunité car elle souhaite le placer sous contrôle judiciaire.

Quelles sont les limites de cette immunité?

Elle n’est pas synonyme d’impunité. L’immunité de fond ne protège pas le parlementaire s'il tient des propos injurieux ou s’il agresse physiquement une personne dans l’hémicycle. Elle ne le protège pas non plus s’il exprime des opinions hors de l’hémicycle, par exemple auprès de journalistes, dans des réunions publiques ou au titre d’un autre mandat (maire, etc.). Quant à l’immunité de procédure, elle n’a pas vocation à soustraire les parlementaires à la loi, mais seulement à différer éventuellement l’arrestation et l’emprisonnement. A noter que l’immunité n’empêche pas la justice de mener une perquisition chez le parlementaire, ni même de saisir ses biens.

Qui peut la lever?

La chambre pour laquelle travaille le parlementaire, c’est-à-dire l’Assemblée nationale pour un député, le Sénat pour un sénateur, le Parlement européen pour un eurodéputé. Dans le cas Balkany, la demande de levée d’immunité sera donc étudiée par l’Assemblée nationale, qui dispose d’une commission dédiée et permanente. Présidée par le député PS Daniel Boisserie, elle est composée de 20 personnes et de 15 suppléants.

Comment travaille cette commission?

Elle va étudier les mesures envisagées par la justice contre Patrick Balkany, les motifs invoqués mais aussi entendre l’élu. Elle ne cherchera pas à savoir si Balkany est coupable ou innocent, mais s’il est traité comme le serait n’importe quel justiciable français. En langage juridique, on appelle cela vérifier «le caractère sérieux, loyal et sincère de la demande». Si elle décide de lever l’immunité de Balkany, celui-ci conservera malgré tout son siège de député.

Qui a déjà perdu son immunité?

Ils sont nombreux. Parmi les plus célèbres, nous pouvons citer l’ex-député Georges Tron ou la député Sylvie Andrieu, les ex-sénateurs François Mitterrand et Charles Pasqua, ou encore les sénateurs Serge Dassault et Jean-Noël Guérini. Seulement trois eurodéputés français ont vu leur immunité levée: Marine Le Pen, Jean-Marie Le Pen et Bruno Gollnisch. Ce dernier détient d’ailleurs avec l’ex-député Bernard Tapie une sorte de «record»: tous deux ont perdu leur immunité à trois reprises. Jean-Marie Le Pen l’a perdue «seulement» deux fois.