INTERVIEWProcès du Carlton: Il n'y a pas de voyeurisme, on essaye de savoir s'il savait qu'elles étaient prostituées»

Procès du Carlton: Il n'y a pas de voyeurisme, on essaye de savoir s'il savait qu'elles étaient prostituées»

INTERVIEWPour Alexandra Hawrylyszyn, avocat pénaliste à Paris, «DSK subit la justice pénale comme un citoyen classique»...
Un dessin illustrant Dominique Strauss-Kahn, à la barre pendant le procès du Carlton, à Lille, le 10 février 2015.
Un dessin illustrant Dominique Strauss-Kahn, à la barre pendant le procès du Carlton, à Lille, le 10 février 2015. - BENOIT PEYRUCQ / AFP
Thibaut Le Gal

Propos recueillis par Thibaut Le Gal

Le grand déballage. Au procès du Carlton, les détails crus des actes sexuels ne manquent pas. «Je commence à en avoir assez de vos questions», a lâché DSK mercredi. «Je ne suis pas renvoyé pour "comportements sexuels dévoyés". Alors pourquoi revenir sempiternellement sur mes pratiques sexuelles?»

Le procureur, les avocats, vont-ils trop loin dans les détails? 20 Minutes a posé la question à Alexandra Hawrylyszyn, avocat pénaliste à Paris, spécialisé dans les affaires de proxénétisme.

Ce déballage est-il normal dans ce type de procès?

De manière générale, dans les affaires sexuelles, c’est normal qu’on détaille de façon extrêmement précise ce que la victime a subi. Pour les affaires de mœurs, on a l’habitude d’aller assez loin dans les détails car il y a des pratiques sexuelles qui peuvent être qualifiées d’atteintes civiques à la personne, de violences, voire d’actes de torture et de barbarie. Pour qu’il y ait une bonne administration de la justice, on doit connaître toutes les informations.

Le fait que DSK soit un personnage public ne change rien?

Il n'y a pas de voyeurisme. Ce qu’on essaye de savoir, c’est s'il savait ou non que les femmes étaient de prostituées. Le même procès sans DSK ne serait peut-être pas autant relayé dans la presse, mais les questions posées sur les pratiques sexuelles seraient identiques. DSK subit la justice pénale comme un citoyen classique. Malheureusement pour lui, la justice est plus «dure» car c'est un personnage public et ce qui se dit au tribunal se retrouve dans la presse.

La protection de la vie privée ne s'applique donc pas ici?

Au pénal, il n’y a pas de limites. Vous ne pouvez pas vous retrancher comme au civil sur l’intimité. C’est déjà le procès de l’intime. Au civil, vous répondez ou non aux questions du tribunal qui en tirera ensuite les conséquences. Au pénal vous avez obligation de répondre.

Les prévenus n’ont donc aucune "protection"?

Non. Ce qui peut être ordonné, c’est un huis clos. Dans les affaires sexuelles, la partie civile peut le demander. Le président a alors tout pouvoir d’appréciation [La demande a été rejetée dans le procès du Carlton]. En l’espèce, le président se dit que la justice doit être rendue sereinement de façon publique. Il a peut-être estimé qu’il fallait faire les choses de manière transparente, pour que la décision que le tribunal prendra soit mieux comprise.

Pendant le temps de l’instruction, tout ce qui est révélé devant le juge est secret, par rapport à la présomption d’innocence. A partir du moment ou le prévenu est renvoyé devant le tribunal, le dossier est abordé oralement et publiquement. Tout ce qui est dit dans la salle devient public. Et peut être relayé dans la presse.

On a également pointé du doigt la pugnacité du procureur…

Un président doit avoir une instruction normalement impartiale. Mais le procureur lui son rôle, c’est d’être à charge. Donc il est fréquent d’avoir un procureur désagréable et virulent que d’avoir quelqu’un de complaisant et doux. Je ne dis pas que c’est bien et justifié, mais c’est plutôt classique.