Relance de l'économie des quartiers: L'efficacité du plan de François Hollande reste à prouver
ECONOMIE•Le chef de l'Etat a annoncé des mesures pour aider à les entreprises à s'installer ou à se monter dans les quartiers, des pistes, révélées par Europe 1, qui laissent sceptiques connaisseurs de la banlieue...Oihana Gabriel
Si certains ont déploré que la question du chômage ait été absente dans le discours de François Hollande, le Président n’a pas oublié de parler économie. Et notamment de relance dans les quartiers sensibles. Le chef de l'Etat a annoncé qu’une «agence nationale de développement économique sur les territoires» serait créée pour permettre aux quartiers de booster leur attractivité économique. Une bonne idée? «Cela fait quarante ans qu’on crée des acronymes et des agences, vous voyez le résultat aujourd’hui: néant», tacle Lotfi Bel Hadj, ancien président de l'observatoire économique des banlieues.
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Un prêt spécifique pour les entrepreneurs en banlieues
Europe 1 révèle ce vendredi les pistes plus concrètes du gouvernement pour attirer investissements et emplois dans les banlieues. Avec l’aide de la Banque publique d’investissement et de la Caisse des Dépôts, l’Etat espère faciliter l’installation de commerces franchisés. Un fonds d'investissement, qui devrait être opérationnel d’ici six mois, doit accorder des financements à ces patrons de franchises. Des aides aux entreprises en banlieue qui rappellent les zones franches pourtant abandonnées fin 2014. Problème: ces entreprises n’embauchaient pas les habitants des quartiers, arguant du manque de qualification sur place. Or, encore une fois, ce coup de pouce ne devrait pas s'accompagner d'une obligation d'employer des «locaux».
Un prêt spécifique pour les entrepreneurs
Autre piste esquissée par Europe 1: l'Agence nationale de développement sur les territoires va mettre en place un prêt spécifique sans garantie et sur une durée de cinq ans pour les jeunes entrepreneurs des quartiers. Mais une question demeure: qui accordera ce prêt? «J’avais demandé en 2008 au ministre de l’Egalité des chances de créer un fonds de développement pour les banlieues pour encourager l’entrepreneuriat des habitants des quartiers, souligne Lotfi Bel Hadj. Aujourd’hui un jeune du 93 qui va demander à la banque un prêt n’a pas le dresscode, le discours et reste victime de discrimination. C’est à la Caisse des dépôts d’avancer les premiers deniers.»
Le coût de la discrimination
Enfin, pour les entreprises existantes et prometteuses, le gouvernement espère monter un fond public-privé d'un montant de 40 millions d'euros d’ici la fin 2015. Insuffisant, tempête Lotfi Bel Hadj. «C’est 500 millions d’euros qu’il faudrait pour vraiment relancer l’économie des quartiers. Et c’est un investissement, on ne demande pas au gouvernement alité de s’endetter.» Mais, pour l’auteur de la Bible du Halal, né à Saint-Denis, l’économie ne peut être dissociée du politique et des clichés associés à ces quartiers sensibles. «Personne ne parle du coût de la discrimination mais aujourd’hui des jeunes qui ont un bac + 5 prennent un emploi sous qualifié parce qu’ils n’ont pas la bonne adresse. La discrimination des musulmans français existe dans le logement, l’emploi. Même le halal fait partie de la diabolisation des musulmans français, alors que la France aurait tout intérêt à s’appuyer sur le marché du halal pour relancer l’économie. On a parlé de CV anonyme, de discrimination positive mais ce serait reconnaître que le République française serait raciste. Mieux vaudrait s’intéresser à la formation des DRH. Les banlieues sont vues comme une zone perdue pour la République, mais elles sont en réalité abandonnées.» Après des décennies de plans pour les quartiers avortés ou inefficaces, le gouvernement a un lourd pari à relever.