La CGT sortirait-elle enfin de la crise? Le «parlement» de la CGT devrait élire mardi à la tête de la centrale Philippe Martinez, et son équipe adepte d'une ligne plutôt radicale, dans le but de mettre fin aux graves secousses qui ont ébranlé le syndicat au grès des scandales touchant Thierry Lepaon.
L'ex-délégué de Renault Boulogne Billancourt, 53 ans, vient pour la seconde fois devant le Comité confédéral national (CNN, «parlement») pour faire adouber son bureau, composé de cinq femmes et de cinq hommes, dont lui-même.
Le 13 janvier, le CCN (96 fédérations et 28 unions départementales) lui avait refusé les deux tiers des voix dont il avait besoin -jugeant son équipe trop proche de l'ex numéro un.
Le métallurgiste a opté cette fois pour un jugement de Salomon: son bureau comprend pour moitié des pro-Lepaon et pour moitié des anti-Lepaon farouches, ce qui augure son adoption par le CCN, «sauf rebondissement qui n'est jamais totalement exclu, on a tellement vu ces derniers mois...», soupire un membre du CCN.
Les plus modérés sont sortis
Depuis fin octobre une bataille acharnée est en cours entre les opposants de Thierry Lepaon- qui exigeaient sa démission après les révélations sur ses dépenses aux frais de la CGT- et ses partisans qui le disaient victime d'une cabale interne. Finalement l'intéressé a jeté l'éponge le 7 janvier, la première démission d'un secrétaire général depuis 1909.
Une fois élu 15e secrétaire général de la CGT, Philippe Martinez aura la lourde tâche de définir une orientation consensuelle entre tous ces courants, d'ici le prochain congrès fixé au printemps 2016.
Il devra aussi apaiser les querelles intestines, séquelles de la crise de succession de Bernard Thibault de 2012, et attisées ces trois derniers mois, donnant lieu parfois à de vives altercations.
«La sortie du jeu des plus modérés est un peu une inquiétude, parce que c'était eux qui assuraient la continuité avec la ligne de Bernard Thibault», relève auprès de l'AFP Rémi Bourguignon, professeur à I'IAE Paris-Sorbonne.
La CGT «va durcir le ton contre le gouvernement»
Mais, «dans ce contexte compliqué, Philippe Martinez sera obligé de travailler dans le consensus et ne pourra pas avoir une position trop radicale, car la CGT est au bord de le rupture», estime ce chercheur.
Le métallurgiste, selon lui devra «tirer des leçons de l'expérience de Thierry Lepaon» - dont l'orientation était confuse et la gouvernance contestée - pour exercer «une gouvernance plus ouverte et plus participative».
Pour Bernard Vivier, directeur de l'Institut supérieur du travail, la nouvelle direction «augure une CGT qui va durcir le ton contre le gouvernement, contre le patronat et contre les autres organisations syndicales». «Philippe Martinez a besoin de cette logique dure pour s'imposer, mais cela ne veut pas dire qu'il n'ira pas ensuite vers une ligne plus axée sur la négociation», estime cet analyste.