SOCIETELa gastronomie française à l'assaut de la diplomatie

La gastronomie française à l'assaut de la diplomatie

SOCIETELe ministère des Affaires étrangères a accueilli pour la première fois ce lundi le classement 2015 du célèbre guide Michelin...
Faustine Vincent

Faustine Vincent

Scène inhabituelle au Quai d’Orsay. Des chefs étoilés, tout sourire, sont plantés sur une estrade sous les dorures du ministère, musique rythmée en fond sonore, devant un parterre de journalistes venus en nombre assister ce lundi au classement du guide Michelin 2015. «C’est une première», a souligné le ministre des Affaires étrangères, Laurent Fabius. Pourquoi avoir accueilli cette présentation ? «Parce que la gastronomie française est un ambassadeur extraordinaire du tourisme, et que le guide Michelin est la référence mondiale en la matière», a développé le chef de la diplomatie, avant de lancer un vibrant «la gastronomie, c’est la France !».

Le ministre, qui a bataillé l’an dernier pour récupérer, en sus, le portefeuille du Commerce extérieur et du Tourisme, a décidé de faire de la gastronomie française un outil majeur de sa diplomatie. Il lui a même donné un petit nom : la «gastrono-diplomatie». Ailleurs, on appelle ça la «gastrodiplomatie». «C’est une forme de relations publiques […], décrit dans Le Temps Alessandra Roversi, auteure d’une thèse sur le sujet. L’objectif est de faire connaître un pays via sa cuisine mais aussi, indirectement, d’encourager les investissements, de favoriser le commerce et le tourisme.»

600.000 salariés dans la restauration

Les objectifs de la France sont identiques : «faire rayonner le pays» au moment où sa réputation en la matière est jugée ternie, «promouvoir la destination France» en renforçant son attractivité, «contribuer au redressement économique» et «défendre l’emploi», détaille-t-on au Quai d’Orsay.

La restauration représente 600.000 salariés, les vins près de 550.000 emplois, et ces secteurs constituent la deuxième activité la plus excédentaire de la balance commerciale derrière l'aéronautique. D’où la décision de s'appuyer sur ces «avantages concurrentiels majeurs».

Côté tourisme, l’Hexagone est la première destination au monde en nombre d’entrées, mais elle n’est que troisième en termes de dépenses générées. «L’objectif est de faire que les touristes restent plus longtemps et dépensent plus. Or dans 60% des cas, leurs attentes sont liées aux plaisirs de la table. Il faut donc améliorer cet aspect», explique-t-on de même source.

« Défendre notre gastronomie dans le monde, c’est servir à la fois notre économie et notre rayonnement #Michelin2015 — Laurent Fabius (@LaurentFabius) February 2, 2015 »



Le 19 mars, 1.000 chefs feront un menu à la gloire de la cuisine française

Dans la même logique, le ministère des Affaires étrangères pilotera l’opération «Goût de France/Good France» pour célébrer la cuisine hexagonale. Le 19 mars, plus de 1000 chefs répartis sur les cinq continents composeront un menu avec apéritif, entrée, plat, fromage, dessert et vins français.

«Dans un contexte diplomatique lourd, la gastronomie et l’art de vivre permettent un échange entre les peuples sur un mode plus agréable et souriant», souligne Jean-Robert Pitte, qui a porté le dossier pour faire inscrire la gastronomie française au patrimoine culturel immatériel de l’humanité à l’Unesco.

Les chefs trouvent aussi leur compte dans cette offensive «gastrono-diplomatique». Stéphane Léger, qui vient d’obtenir une étoile au guide Michelin, espère ainsi attirer davantage de clientèle internationale dans son restaurant à Saint-Raphaël. De son côté, Yannick Alleno, auréolé de trois étoiles, fait déjà figure d’habitué: «Des clients viennent de Taïwan juste pour venir manger au restaurant, et repartent le lendemain».

Le Guide Michelin France, vendu en 2014 à 150.000 exemplaires, se décline en 24 éditions internationales.