Service civique obligatoire:«On ne peut pas transformer l’engagement des jeunes en obligation sociale»
TEMOIGNAGES•«20 Minutes» a recueilli l'avis de trois jeunes femmes actuellement en service civique sur une éventuelle généralisation du dispositif...Delphine Bancaud
Alors qu’un débat est lancé sur la possibilité de rendre le service civique obligatoire pour tous les jeunes de 16 à 25 ans, 20 minutes a recueilli le témoignage de trois volontaires actuellement engagées dans cette démarche, qui souhaitent qu’elle reste délibérée.
Anaïs Lambert, 23 ans, en service civique depuis juillet au sein de l’association Genepi à Paris
«Pour moi, le service civique c’est avant tout un engagement citoyen et associatif, qui est détaché de mes choix professionnels. Après avoir décroché un master en droit pénal, j’ai décidé de m’accorder cette année de césure pour œuvrer au sein de Genepi, une association estudiantine qui souhaite favoriser le décloisonnement des institutions carcérales. Notre but est de sensibiliser le grand public, les élus et les élèves à la prison, les conditions de détention des prisonniers, les politiques publiques carcérales… Mon rôle est de coordonner des projets de l’association en organisant des campagnes nationales de communication, des interventions dans des cinémas ou des cafés philo, des expositions… C’est passionnant, car je bénéficie d’une réelle marge de manœuvre et j’ai vraiment l’impression de m’émanciper. Mais je suis contre la généralisation du service civique. On ne peut pas transformer l’engagement des jeunes en obligation sociale, ce serait à l’encontre de l’esprit même du service civique. Le fait que cette question soit posée après les attentats de janvier me met aussi mal à l’aise. On ne peut pas renforcer les liens des jeunes avec la République en leur imposant quelque chose. Cette idée tient de l’improvisation politique».
Afsan Riaz, 23 ans, en service civique à l’association Energie jeunes à Lyon
«Après avoir décroché un bac STG, j’ai arrêté mes études et j’ai travaillé quatre ans dans la restauration. Mais j’avais envie de découvrir un autre univers. Comme je suis particulièrement attirée par le domaine social, j’ai décidé de m’engager auprès d’Energie jeunes, dont le but est de lutter contre le décrochage scolaire. Ma mission consiste à intervenir dans les collèges de l’éducation prioritaire pour rebooster les élèves dans leur scolarité, les aider à croire en eux. Je leur délivre des conseils méthodologiques pour leur travail quotidien, je leur parle de la manière de renforcer la confiance en eux, de leurs choix d'orientation… Je leur dis ce que j’aurais aimé entendre à leur âge, car moi aussi j’étais en ZEP et j’ai connu de grands moments de découragement. C’est une expérience magique, qui va me servir de tremplin, car en encourageant les jeunes, je me suis reboostée moi-même. J’ai donc décidé de reprendre mes études à la prochaine rentrée. Mais de là à rendre le service civique obligatoire, je ne suis pas pour. Car le dispositif perdrait tout son charme. Et pour réussir sa mission, il faut avoir envie de se lever le matin.»
Ophélie Letort, 25 ans, en service civique à l’association Energie jeunes à Marseille
«J’ai un diplôme de psychologue en poche, mais ne trouvant pas d’emploi dans ce domaine, j’ai fait des petits jobs l’an dernier. J’ai ensuite décidé d’effectuer un service civique pour enrichir mon expérience. Mais il ne s'agit aucunement d'un emploi, mais d’un engagement. Comme Afsan, j’incite les jeunes à la persévérance scolaire. Grâce à cette mission, je me sens utile et j’ai vraiment l’appréciation d’avoir des responsabilités. C’est un premier pas dans la vie active, que je compte d’ailleurs valoriser dans mon CV. Cette expérience m'a permis de gagner de la confiance en moi, d’apprendre à gérer des situations complexes avec les élèves et de m’exprimer avec plus d’aisance à l’oral. Mais je ne pense pas qu’il faille rendre le service civique obligatoire. En revanche, il faudrait mieux le faire connaître, car ce dispositif est encore trop souvent ignoré des jeunes.»