A quoi ressemble la vie de chauffeur routier?
SOCIETE•Alors que le mouvement des chauffeurs routiers reprendra dimanche, rejoint en milieu de semaine par la CFDT, pour réclamer une augmentation de salaire, 20 Minutes s’est penché sur leur quotidien.Faustine Vincent
Il y a encore quelques années, Patrick Monnier, 55 ans, partait sur les routes jusqu’à trois semaines d’affilée. Suède, Norvège, Finlande, Russie… «ça m’a fait découvrir pas mal de pays et de coutumes. J’ai des amis dans toute l’Europe !» La belle époque, dit-il, même s’il regrette de ne pas avoir pu voir grandir ses deux enfants. «On partait plus longtemps, mais on avait des salaires conséquents et une meilleure qualité de vie». L’évolution du métier et «l’arrivée des chauffeurs routiers venant des pays de l’Est» ont changé la donne. «Aujourd’hui je n’ai plus la fibre. Je travaille parce que je suis obligé, c’est tout», lâche-t-il, amer.
Il déplore la dégradation de ses conditions de travail, les départs à toute heure du jour et de la nuit, les patrons «méprisants» qui «ne disent même plus bonjour», exigent toujours «plus de rendement» et font du «flicage» avec la géolocalisation des chauffeurs.
Gildas Richard est chauffeur de camion depuis presque trente ans et secrétaire départemental de la CFDT du transport dans les Côtes d’Armor. Il fait le même constat. «Le plus difficile, c’est le stress. On n’est même pas arrivé chez le client qu’on nous dit «tu dois être dans une heure à tel endroit. Mais on ne peut pas être partout à la fois ! C’est devenu infernal.»
Les dîners seul ou au restaurant routier
Tous deux n’ont de répit qu’une fois dans leur camion. «La pression retombe». Seul, face à la route, Patrick Monnier écoute la radio, ou téléphone à ses proches. En mission, le soir venu, il s’attable parfois avec quelques inconnus, des travailleurs itinérants croisés au hasard au restaurant routier. «On discute d’autre chose que le boulot, ça coupe un peu».
Parfois, il préfère manger seul dans son camion, avant de s’endormir sur sa couchette. Sur son tachygraphe numérique, qui mesure le temps de repos et de conduite des chauffeurs routiers, l’icône représentant un petit lit s’affiche. C’est le temps de «coupure» après ses dix heures de travail. Un volant blanc («conduite») puis deux petits marteaux («travail») s’illumineront tour à tour dès le lendemain en reprenant la route.
La retraite perçue comme un soulagement
Gildas Richard, lui, a toujours pu rentrer chez lui le soir. A la différence de son collègue, il effectue ses trajets au niveau départemental. L’essentiel de son travail consiste à charger et décharger son camion, des dizaines de fois par jour. «Je le charge le matin à 6h45 et je distribue les colis et des palettes toute la journée». Il transporte de tout – ferraille, engrais, matériel informatique, hi-fi…
A 58 ans, il devrait obtenir sa retraite l’année prochaine. Un soulagement. «Je le dis aux jeunes : ne faites pas ce métier. Vous avez une responsabilité énorme, parce que si on vous vole la marchandise c’est vous qui prenez, mais vous êtes payé un salaire de misère». Il s'estime bien loti avec 2.050 euros bruts pour 151 heures. Patrick Monnier, lui, gagne quelques centimes de plus que le smic, 1.800 euros bruts pour 200 heures mensuelles.
Les syndicats des routiers réclament une revalorisation salariale de 5% pour tous les salariés et la mise en place d'un 13e mois. Pour l’heure, les chambres patronales n’ont proposé qu’une augmentation de 2% maximum sur les plus bas coefficients et de 1% pour les cadres. Face au blocage, le mouvement de contestation devrait reprendre dimanche.