Entre l'ex-PDG de L'Oréal et la vendeuse de frites, c'était le «choc des cultures» au tribunal
JUSTICE•Lindsay Owen-Jones était incommodé par les vapeurs du commerce...20 Minutes avec AFP
Pot de terre contre pot de fer? Le «choc des cultures» a été violent mardi au tribunal d'Albertville entre l'ancien PDG emblématique de L'Oréal, gêné par les odeurs, et la gérante d'une baraque à frites de Val d'Isère, accusée de prendre des libertés avec la loi.
Lindsay Owen-Jones, patron britannique du géant des cosmétiques de 1988 à 2006, n'était pas présent à l'audience. Il était représenté par Me Laure Sauthier, avocate d'Albertville qui s'en est prise à la manière «ridicule» dont la presse s'est fait l'écho de l'affaire depuis quelques jours.
«Ce n'est pas par coquetterie que cette action est intentée», a plaidé Me Sauthier qui défend quatre autres propriétaires de Val d'Isère: un notaire, un avocat en retraite et des gestionnaires de fonds d'investissement. Tous réclament la fermeture et la destruction du snack pour «trouble anormal du voisinage».
«Sous le nez, des odeurs de frites»
Sir Owen-Jones et ses voisins ne demandent que l'application du droit, a-t-elle soutenu, pointant que le snack avait été «construit sans autorisation et exploité dans l'illégalité la plus totale» depuis huit ans.
Plus qu'une baraque à frites, «La Cabane» est un véritable «restaurant» avec une terrasse de près de 150 m2 couverte par un chapiteau installé sur une zone non constructible, sans aucune déclaration d'ouverture, a-t-elle détaillé, pointant aussi les «violations des dispositions du code de l'urbanisme et des règles sanitaires».
Les propriétaires du terrain, les époux Bazile, décrits comme de «riches propriétaires» qui disposent de nombreux terrains à Val d'Isère, «n'ont peur de rien et se croient, semble-t-il, au-dessus de toute loi et de toute sanction», a-t-elle accusé.
«Quand on est à Val d'Isère en front de pistes, il est quand même regrettable de ne pouvoir profiter de sa terrasse, de cette vue remarquable, et d'avoir constamment sous le nez des odeurs de frites», a soutenu l'avocate.
«Pas de David, pas de Goliath»
Me François Bern, avocat des propriétaires et de leur belle-fille qui gère le restaurant, s'est lui défendu de vouloir déformer le débat. «Je n'ai que de l'admiration pour M. Owen Jones», a-t-il dit, décrivant L'Oréal comme une «société qui honore la France».
Dans cette affaire, «il n'y a pas de David, pas de Goliath, pas de M. Owen Jones», a-t-il assuré, avant d'entamer une partition inverse.
La gérante du snack, Valérie Maertens, 39 ans, «essaie de conserver son outil de travail qui fait vivre sa famille et ses trois jeunes enfants», a-t-il lancé en comparant sa cliente avec les plaignants «qui vivent dans des endroits très lisses, aseptisés et n'ont l'habitude de voir que des choses magnifiques».
Revenant sur l'illégalité de la construction, il a estimé qu'elle avait été régularisée par une déclaration de travaux de janvier 2008. Quant aux troubles de voisinage, «on ne peut pas s'attendre à avoir un calme absolu quand on est sur le front de neige. Il y a une énorme animation», a-t-il affirmé, conseillant aux plaignants de déménager dans la vallée de la Maurienne.
M. Owen-Jones ne vient que «trois jours trois fois par an» à Val d'Isère, a-t-elle noté. Ouvert de 9h à 18h, son établissement accueille une «clientèle cheap de saisonniers ou d'employés municipaux», a-t-elle dit.
Le tribunal a mis sa décision en délibéré au 24 février 2015.