MIXITEExercer un «métier d'homme», un bon plan pour sa carrière?

Exercer un «métier d'homme», un bon plan pour sa carrière?

MIXITEAlors que le forum de la mixité se tient ce lundi à Paris, les femmes évoluant dans des professions dites masculines éprouvent toujours des difficultés à s'imposer...
Delphine Bancaud

Delphine Bancaud

Plombier, chauffeur routier, marin… Alors que le forum de la mixité se tient ce lundi à Paris, le constat est toujours le même: aujourd’hui encore beaucoup de métiers demeurent des bastions masculins, puisque seulement 12% professions sont réellement mixtes selon une étude de la Dares.

«Mais si la féminisation de certains métiers est lente (notamment dans l’industrie, le bâtiment, l’informatique…), l’idée de chasse gardée professionnelle pour les hommes est devenue has been», souligne Emmanuel Sulzer, chercheur au Céreq et coauteur d’une étude sur les femmes dans des «métiers d’hommes».

Un procès en légitimité

Du coup, des candidates n’hésitent plus à postuler à des emplois dits masculins, «soit par goût pour le domaine d’activité, soit parce qu’elles espèrent y être davantage valorisées que dans des secteurs très féminisés», explique Emmanuelle Gagliardi, coorganisatrice du forum de la mixité. De leur côté, les entreprises sont incitées par les accords sur l’égalité professionnelle et par les objectifs qu’elles se sont fixés en matière de responsabilité sociale, à ouvrir aux femmes des métiers qui ne l’étaient pas encore. «Mais certains recruteurs privilégient aussi l’embauche de femmes pour leurs supposées «compétences féminines», à savoir l’écoute, l’intuition, le pragmatisme, la capacité à pacifier les relations… Ce qui prouve que les stéréotypes ont la vie dure», observe Emmanuel Sulzer.

Ces stéréotypes bien ancrés sont d’ailleurs souvent responsables des débuts difficiles pour les femmes qui exercent des métiers traditionnellement masculins. Elles sont parfois confrontées au sexisme et sont mises à l’épreuve par leurs collègues masculins, comme le souligne l’étude du Céreq. «Elles souffrent d’un déni de légitimité et doivent faire leurs preuves longtemps avant d’être reconnues par leurs pairs», note Emmanuel Sulzer. «On les attend deux fois plus au tournant et on leur pardonne difficilement la moindre erreur», renchérit Emmanuelle Gagliardi.

Elles sont parfois aussi confinées à certains rôles «et ce d’autant plus lorsqu’elles ne peuvent jouer la carte du présentisme en raison de leurs obligations familiales», souligne Emmanuelle Gagliardi. Et face à ces difficultés, de nombreuses femmes qui évoluent dans un univers professionnel masculin ont tendance à «faire profil bas», indique l’étude du Céreq et même à remercier «les hommes de les avoir mises à l’épreuve». Modestes, elles ont aussi du mal à valoriser leurs succès professionnels, ce qui freine leur carrière. «Les femmes qui évoluent dans des univers masculins ont tendance à s’autocensurer et à ne pas se mettre en concurrence avec les hommes. Du coup, elles n’obtiennent pas toujours les promotions qu’elles méritent. Nombreuses sont celles qui disent avoir dû « se "battre" et "réclamer", voire "arracher"» leur promotion selon le Céreq. D’autant que nommer une femme pour manager un groupe d’hommes est encore mal perçu dans certaines entreprises», explique Emmanuel Sulzer.

Bouger les lignes

Pourtant, des solutions existent pour faire progresser les mentalités et favoriser la progression de carrière des femmes exerçant dans des milieux masculins. «Il faut faire bouger les lignes, en travaillant tout d’abord sur les représentations des métiers dans les livres pour enfants. Et en communiquant davantage sur les carrières scientifiques et techniques auprès des jeunes filles», suggère Emmanuel Sulzer.

Pour Emmanuelle Gagliardi, il est aussi urgent de sensibiliser les salariés des entreprises exerçant dans des secteurs traditionnellement masculins pour les former à l’égalité hommes/femmes. «Il faut notamment leur prouver comme l’ont démontré plusieurs études internationales sur le sujet, que la mixité est un facteur de performance de l’entreprise».