INTERVIEW«Les femmes pensent qu’il suffit de bien travailler pour être reconnues professionnellement»

«Les femmes pensent qu’il suffit de bien travailler pour être reconnues professionnellement»

INTERVIEWDans «Toutes les femmes ne viennent pas de Vénus!» qui sort ce jeudi en librairie, Charlotte Lazimi a recensé les inégalités hommes/femmes en France...
Delphine Bancaud

Propos recueillis par Delphine Bancaud

L’égalité n’est pas un combat d’arrière-garde. C’est ce que démontre Charlotte Lazimi, dans Toutes les femmes ne viennent pas de Vénus !* qui sort ce jeudi en librairie. Après quatre mois d’enquête, l’auteur brosse un état des lieux de l’égalité dans de nombreux domaines: l’éducation, l’entreprise, le sport... Pour 20 Minutes, Charlotte Lazimi, revient plus spécifiquement sur la question de l’égalité professionnelle.

Vous montrez que les inégalités entre hommes et femmes commencent dès l’enfance. Comment l'expliquez-vous?

Les parents et les enseignants ont des préjugés qu’ils transmettent sans même sans rendre compte. Qui n’a pas entendu en classe, que les garçons étaient meilleurs que les filles? Cette affirmation qui n’a jamais été prouvée, finit par être intégrée par les petites filles, qui ont souvent moins confiance en elles que les garçons dans les matières scientifiques. La littérature enfantine véhicule aussi de nombreux clichés, en représentant par exemple, la maman comme une femme au foyer. Au final, toutes ces images imprègnent les esprits et jouent sur les choix d’orientation des filles.

Est-ce l’origine de l’autocensure professionnelle des femmes?

Oui en partie. On apprend aux petites filles à être sages et à bien faire leurs devoirs. Du coup, devenues adultes, elles pensent qu’il suffit de bien travailler pour être reconnues professionnellement. Alors que les entreprises récompensent plutôt ceux qui osent. Si les femmes ne vont pas à la négociation, c’est que cela est inscrit en elles.

Pourquoi le congé maternité est-il toujours considéré comme un problème par beaucoup d’employeurs?

La loi française protège les salariées pendant leur grossesse, mais les mentalités n’ont pas encore suffisamment bougé. Un homme qui est absent du boulot pendant quatre mois après d’être cassé une jambe au ski est mieux considéré qu’une femme qui annonce son départ en congé de maternité. Alors que les conséquences sont les mêmes pour l’entreprise.

Mais les différentes lois sur l’égalité professionnelle n’ont-elles pas fait avancer les choses, notamment sur la question des salaires?

Si bien sûr, mais c’est encore insuffisant puisqu’à compétences égales, les femmes touchent 10% de moins que les hommes. Pour lutter contre cet écueil, les chefs d’entreprise doivent d’abord prendre davantage conscience du problème et les femmes doivent aussi apprendre à mieux négocier leur salaire. Il faut aussi que les entreprises soient davantage sanctionnées si elles ne jouent pas le jeu.

Si les femmes se heurtent à un plafond de verre, n’est-ce pas aussi parce que le partage des tâches domestiques est encore très inégalitaire?

En partie. C’est vrai qu’on appelle souvent les mamans quand un enfant est malade et qu’elles consacrent deux heures de plus par jour aux tâches domestiques que leurs leur conjoint. Et comme l’entreprise a le culte du présentéisme, celles qui partent tôt du bureau le soir sont pénalisées. Mais elles ne travaillent pas moins et pas moins bien que les hommes, elles le font juste de manière moins visible. Personne ne les voit par exemple, plancher sur des dossiers une fois les enfants couchés.

Vous montrez que le sexisme est assez vivace dans les entreprises, comment expliquer ce phénomène dans une société adepte du politiquement correcte?

On est submergé par des pubs sexistes, les médias font parler des personnalités ouvertement misogynes, le harcèlement de rue est très présent et certains politiques ont des attitudes très déplacées vis-à-vis de leurs consœurs… Ce climat infuse et se retrouve aussi dans les entreprises.

Quelles solutions permettraient de parvenir à une meilleure égalité professionnelle?

Il faudrait davantage sensibiliser les managers et les chefs d’entreprise à l’égalité, davantage sanctionner financièrement les entreprises récalcitrantes sur l’égalité salariale et réprimer les comportements sexistes au bureau. Ce ne sont pas des solutions miracles, mais elles permettraient au moins d’avancer.

*Toutes les femmes ne viennent pas de Vénus !, Charlotte Lazimi, Michalon, 18 €.