TÉMOIGNAGESModulation des allocations familiales: «Je gagne plus de 6.000 euros, tout est déjà indexé sur mes revenus»

Modulation des allocations familiales: «Je gagne plus de 6.000 euros, tout est déjà indexé sur mes revenus»

TÉMOIGNAGESCes internautes gagnent plus de 6.000 euros et pourraient perdre une partie des allocations familiales, non sans contestation…
Christine Laemmel

Christine Laemmel

L'exécutif «met le doigt dans un engrenage très dangereux». Ces mots sont de Pierre Laurent, secrétaire national du Parti communiste. Mais auraient pu être tenus par un dirigeant UMP ou FN. En annonçant déposer un amendement instaurant la modulation des allocations familiales, le PS remettrait en question, pour la première fois, «l’universalité» de la politique familiale, selon laquelle chaque famille peut prétendre à une prestation sociale, quel que soit son revenu. Vraiment? A en croire le budget des internautes visés par cet amendement, il est déjà largement remis en cause. Les allocations familiales demeurent même, pour Géraud, père de famille, «la seule variable d’ajustement.» Raison de plus pour ne pas y toucher.

«Je vais passer pour un nanti»

Ce Parisien aisé gagne, avec sa compagne, 7.000 euros bruts par mois. Ils ont trois enfants. Géraud ne se plaint pas, redoute même de «passer pour un nanti» en étant contre une mesure qui lui ferait perdre 1.770,30 euros par an, soit 2% de ses revenus annuels. Il constate simplement que «tout est déjà indexé sur [ses] revenus». Pour la cantine scolaire, il paye près de 400 euros tous les deux mois, pour ses deux enfants scolarisés de 6 et 4 ans. Une somme transparente affichée par la Mairie de Paris et calculée à partir de son quotient familial. Les frais d’assistantes maternelles pour la garde à temps plein de son enfant de 13 mois et en périscolaire de ses aînés lui coûte plus de 800 euros par mois. Une fois déduites les aides de la Caisse d’allocations familiales: 340 euros par mois, via le complément libre mode de garde de la PAJE, calculé en fonction de ses revenus.

«Les allocations familiales étaient la seule variable d’ajustement»

«Mon sentiment est que la plupart des prestations de gardes sont calculées en fonction de mes revenus, ce que j’accepte, il n’y a aucun souci là-dessus, assure Géraud, mais les allocations familiales étaient la seule variable d’ajustement.» Plus que le premier pas dénoncé par les politiques, Géraud déplore plutôt la chute du dernier bastion de «l’universalité». Et surtout, sa logique. «Si on doit moduler la source, [donc l’impôt sur le revenu] les prestations sociales ne doivent plus l'être.» Une question de principe donc, appuyée par Gérard, internaute qui réagit dans les commentaires. «L'allocation familiale est une aide à la famille, rappelle-t-il, non une prime sujette aux revenus.» Il rejoint ici l’interprétation retenue par Denis Lalys, secrétaire de la fédération «action sociale» de la CGT, citée par Libération: «L’allocation que vous recevez n’est pas pour vous, elle est pour votre enfant. Considérer qu’un enfant de riches à moins de besoins qu’un enfant de pauvres, c’est briser l’universalité de la protection sociale».

«Nos impôts ont augmenté de 1.000 euros»

Mais selon Aline, «tout le monde trouve ça normal». Elle conspue le «manque de compassion» des réactions glanées ici et là. Cette année, «nos impôts ont augmenté de 1.000 euros, avec des revenus quasi similaires». Un bond qui pousse, comme la modulation des allocations, elle en est persuadée, les «hauts revenus», «seuls visés encore une fois», à trouver des stratagèmes pour ne pas voir l’addition enfler. «Les gens aisés se mettent aussi à calculer». Sur les conseils de son centre des impôts, elle a retiré, cette année, sa plus jeune fille, étudiante à Lille, de sa déclaration de revenus. D’après les prédictions de l’Etat, sa fille devrait donc bénéficier d’aide au logement et même peut-être de bourses. «Je trouve ça incroyable», souffle-t-elle au téléphone, devinant sa gêne dans quelques mois, «c’est de l’argent public qui est mal redistribué, c’est aberrant.»