Restauration: Etes-vous prêt(e) pour le «Doggy bag»?
ALMENTATION•Seuls 5% des Français emportent régulièrement leurs restes au restaurant, selon un sondage Yougov pour «20 Minutes» réalisé à l’occasion de la 2e journée nationale de lutte contre le gaspillage alimentaire…
Claire Planchard
Une pratique «qui fait» radin (15,1%) ou impoli (11,1%), qui n'est pas hygiénique (5,1%) ou tout simplement inutile (33,8%): les Français ont beaucoup de bonnes ou de moins bonnes raisons pour renoncer à emporter leurs restes quand ils mangent au restaurant.
Pacte anti-gaspi
Selon un sondage Yougov pour 20 Minutes*, 55% des Français déclarent n'avoir jamais recouru au doggy bag et 9,6% une seule fois.
Pourtant, cette pratique générale au Canada ou aux Etats-Unis commence aussi à avoir ses adeptes en France: 23,6% admettent y avoir recours occasionnellement et 5,3% aussi souvent que possible.
C'est cet intérêt que le gouvernement souhaite encourager. Selon le ministère de l’Agriculture, la généralisation de cette pratique serait en effet un moyen efficace de limiter la gabegie dans la restauration, un secteur qui représenterait à lui seul 14% du gaspillage alimentaire selon la Commission européenne, avec en moyenne 230g de nourriture gaspillée par personne et par repas, selon l’Ademe.
Le développement du «sac à emporter» figurait ainsi en bonne place du pacte «antigaspi» signé en juin 2013 par l’ensemble des acteurs du milieu agroalimentaire avec pour objectif de diviser par deux le gaspillage alimentaire d’ici 2025.
Jeudi à l’occasion de la 2e journée nationale de lutte contre le gaspillage alimentaire, le gouvernement doit présenter plusieurs initiatives en faveur du «Gourmet bag», un projet de «doggy bag» à la française porté depuis un an par la région en Rhône-Alpes: sticker à coller sur la vitrine et notices d’information seront mis à disposition pour inciter les professionnels à proposer ce service et permettre à leurs clients de mieux comprendre la démarche. Ce coup de pouce devrait contribuer à lever les dernières réticences selon les professionnels: «Aujourd’hui, le principal frein au développement de cette pratique est culturel: ce qu’il faut, c’est de l’information auprès des professionnels et des consommateurs pour qu’ils voient ce sac comme quelque chose de positif et cela va finir par rentrer dans les mœurs, à l’image des bouteilles de vin entamées qui sont emportées de plus en plu souvent», souligne Jean Terlon, vice-président restauration de l’Union des métiers et des industries de l’hôtellerie (Umih).
Lever les barrieres culturelles
Un optimisme partagé par les créateurs de la boîte à emporter écologique chic et made in France «Trop bon pour gaspiller»: «Changer les mentalités prendra du temps mais nous sommes convaincus à 200% que ce sont les restaurateurs qui ont les clés en main: ce sont eux qui peuvent aider les clients à surmonter leur gêne avec une signalétique bien reconnaissable et en inversant les perceptions: il ne s’agit pas de rabaisser les restes de leur cuisine à de la nourriture pour chien mais de mettre en valeur la qualité de leur production par un emballage haut de gamme», explique Rabaïa Calvayrac, en charge du développement commercial du projet. D’après elle, la nouvelle obligation qui sera faite aux restaurateurs à partir du 1er janvier 2016 de valoriser leurs déchets sous peine d’amende pourrait aussi accélérer leur conversion au doggy bag… Et par là, celle des consommateurs.
Selon le sondage Yougov, alors que 90% des Français interrogés pensent que le doggy bag est un bon moyen pour lutter contre le gaspillage (97% des 18-24 ans), 16% disent ne pas le faire de peur d'un refus des restaurateurs et 24,4% par gêne de le leur demander.
«Si des leaders adoptent cette pratique et qu’elle est présentée de façon ludique, je pense en effet qu’une bonne partie des Français sont prêts aujourd’hui pour ce doggy bag mais à des degrés divers selon leur âge et leur trajectoire socioéconomique», confirme Jean-Pierre Corbeau, professeur émérite de sociologie de l'alimentation à l'université François Rabelais de Tours. «Au sein des catégories les plus aisées, il restera certainement associé chez les plus de 50-60 ans à une forme de mendicité, tandis que dans une clientèle plus jeune, il y aura une plus forte acceptation de cette pratique nord-américaine au nom de la lutte contre le gaspillage», note le spécialiste. «En revanche, chez des mangeurs des classes populaires, notamment avec une dimension de ruralité, même les plus âgés se laisseront tenter car emporter des restes n’est pas lié à une culpabilité.»