Pourquoi les prix des péages sont difficiles à baisser pour l’Etat
CONSOMMATION•Même si Manuel Valls souhaite un accord profitable à tous...M.P.
Le sens du timing. Juste avant une réunion à Matignon avec Manuel Valls, le secrétaire d'Etat au Transport Alain Vidalies et les sociétés d’exploitations des autoroutes, Ségolène Royal a réclamé ce mardi matin sur RTL une baisse de 10% des tarifs des péages et, «par exemple», la gratuité le samedi. Une hypothèse promptement refermée par Matignon qui a expliqué que cette gratuité était «difficilement envisageable». Manuel Valls a toutefois souhaité «un accord profitable à tous (…) dans les prochaines semaines» à l'issue de la réunion.
Des tarifs qui augmentent plus vite que l'inflation
Car c’est bien l’Etat qui fixe les tarifs des sociétés d’autoroutes. Mais, ça, c'est la théorie car, comme le soulignait en 2013 la Cour des comptes dans un rapport cassant, «les contrats de plan, qui fixent pour cinq ans la tarification des péages, devaient être l’exception par rapport au dispositif mis en place par le décret de 1995, mais sont devenus la règle et ont conduit à des augmentations tarifaires supérieures à l’inflation, contrairement à la règle originelle de la concession». En effet, comme le rappelle l’UFC Que Choisir, c’est n’est qu’une «théorie» car «les augmentations qui leur sont appliquées dépendent de l’inflation générale, du remboursement des emprunts, des dépenses d’entretien et des investissements (construction de nouveaux tronçons, notamment)». Une enquête du Nouvel Observateur relevait d’ailleurs qu’entre 2007 et 2012, le tarif des péages avait augmenté plus rapidement que l’inflation, de 11% contre 8,5%.
En fait, comme l’avait déjà relevé la semaine dernière Michel Sapin, les contrats passés entre les sociétés d’autoroutes et l’Etat sont très contraignants et très solides… au bénéfice des sociétés privées. Par exemple, toute nouvelle taxe doit être compensée, tout nouvel investissement doit aussi être compensé. A cet égard, Marianne cite un exemple de contrat de plan passé entre l’Etat et une société de concession, qui stipule: «En cas de modification ou de création d’impôts, de taxes et redevances spécifiques aux concessionnaires d’ouvrages routiers à péage ou aux concessionnaires d’autoroutes, l’État et la société concessionnaire arrêtent d’un commun accord les compensations, par exemple tarifaires, qui devront être apportées pour assurer la neutralité de ces modifications ou créations sur l’ensemble constitué des comptes sociaux et de l’équilibre de la société concessionnaire, tels qu’ils se présenteraient, à la même date, en l’absence de ces modifications ou créations ».
«La rente» des autoroutes
Ces compensations peuvent être des hausses de tarifs mais aussi des allongements de concessions. Ce mardi par exemple, Manuel Valls a indiqué avoir obtenu l’aval de Bruxelles au plan de relance autoroutier, en discussion entre l'État et les sociétés concessionnaires d’autoroutes depuis plus de deux ans. Celui-ci prévoit notamment plus de 3 milliards d'euros d'investissement (travaux de sécurisation, parkings relais pour les routiers, parkings d'autopartage, mises en connexion des autoroutes avec le réseau secondaire...), en contrepartie de prolongements des concessions (entre quatre mois à six ans, selon les sociétés).
Dans la balance, les entreprises ont expliqué qu’ainsi 15.000 emplois seraient créés. En période de crise, ça ne se refuse pas. Pourtant, le président de l’Autorité de la concurrence, qui a publié un rapport au vitriol mi-septembre dénonçant «la rente» des autoroutes avec des marges entre 20 et 24% selon les sociétés, avait considéré qu'il s'agissait d'«une occasion unique qui ne va pas se reproduire avant très longtemps», et avait enjoint l'Etat de «(renégocier) les formules d'indexation des péages, (d'insérer) des clauses de réinvestissement ou de partage de bénéfices au-delà d'un seuil qui serait convenu». L'autorité avait d'ailleurs formulé treize recommandations «pour renforcer la régulation et la rééquilibrer en faveur de l'Etat et des usagers» que Ségolène Royal et Emmanuel Macron ont bien l'intention de reprendre à leur compte.