ENTRETIENVIDEO. Madame le Président: «Le député a raison et tort en même temps»

VIDEO. Madame le Président: «Le député a raison et tort en même temps»

ENTRETIENHistorien de la langue et recteur de l’Agence universitaire de la francophonie, Bernard Cerquiglini décrypte les règles et usages en matière de féminisation des fonctions…
Vincent Vanthighem

Vincent Vanthighem

Un écart de langage qui va lui coûter un quart de son indemnité parlementaire (1.378 euros, quand même). Le député (UMP) du Vaucluse, Julien Aubert, a été rappelé à l’ordre, lundi soir, pour s’être obstiné à appeler la présidente de séance «Madame le président» lors des débats. Et Ségolène Royal, «Madame le ministre».

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20 Minutes a contacté Bernard Cerquiglini, historien de la langue française et recteur de l’Agence universitaire de la francophonie afin qu’il détaille les règles et usages en matière de féminisation des fonctions.

Madame le président. Madame la présidente. Que faut-il dire exactement?

C’est une question vraiment intéressante. Y a-t-il d’autres exemples de députés sanctionnés pour une faute de français. Je ne le crois pas. L’Assemblée nationale a fait, dans son règlement, le choix d’une norme linguistique en demandant à ce que les fonctions soient féminisées (députée, présidente…). Ce député aurait donc dû respecter le règlement.

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Il s’est défendu en disant qu’il ne faisait que suivre l’Académie française…

Il a raison. L’Académie française n’est pas d’accord avec la féminisation des fonctions. Elle prône un usage suranné, un usage qui est aujourd’hui dépassé par tout le monde. Prenez les journaux de ce matin, vous y trouverez des députées, des sénatrices et des présidentes. L’usage veut que l’on féminise désormais les fonctions même si l’Académie n’est pas de cet avis. Il faudra sans doute plusieurs années, une génération peut-être, pour que cela entre vraiment dans les mœurs. Dans le cas de ce député, il a raison et tort en même temps.

Est-ce normal de sanctionner un député pour une faute de français?

Connaissant Madame Royal et sa sensibilité sur cette question, elle n’a pas dû apprécier. Il faut remettre les choses dans leur contexte. Ce député n’a pas été sanctionné pour ne pas avoir respecté l’accord d’un participe ou le pluriel de cheval / chevaux. Sa faute a une portée sociale. Et c’est pour cela qu’il a été puni.

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Depuis quand l’usage veut-il que les professions soient féminisées?

Depuis le Moyen-Âge. A l’époque, toutes les professions ont été féminisées. Un pape, une papesse. Un chanoine, une chanoinesse. Un boulanger, une boulangère. Louis XIV lui-même a envoyé ses «ambassadrices» à travers le monde. Au 18e siècle, la société bourgeoise a décidé de fermer l’accès des femmes à certains postes. Est alors apparu le féminin conjugal. L’ambassadrice désignait alors l’épouse de l’ambassadeur, la présidente, l’épouse du président. A la fin du 19e siècle, on a, de nouveau, nommé des femmes à des postes importants. Cela a donné lieu à un bricolage avec l’apparition de fonctions telles que «Madame l’ambassadeur» ou «Madame l’avocat». La féminisation des professions et fonctions n’est revenue qu’à la fin des années 1990. Maintenant, il faut laisser faire l’usage. Avec le temps, cela sera accepté par tout le monde.