POLICEStatistiques de la délinquance: La fin du bidouillage des chiffres, vraiment?

Statistiques de la délinquance: La fin du bidouillage des chiffres, vraiment?

POLICEBernard Cazeneuve a présenté ce mercredi le nouvel outil statistique de l'Intérieur devant une commission des lois de l'Assemblée nationale…
William Molinié

William Molinié

Un nouvel outil statistique au ministère de l’Intérieur pour «créer les conditions de la transparence». Bernard Cazeneuve a présenté ce mercredi après-midi devant une commission des lois à l’Assemblée nationale le nouveau service de statistiques de la délinquance de la Place Beauvau qui a été officiellement installé il y a un mois, le 1er septembre dernier. Véritable «clé de voûte» de la réforme de l’outil statistique, ce nouveau service statistique du ministère (SSM), placé sous la surveillance de l’Insee, veut mettre fin aux polémiques droite/gauche sur les chiffres de la délinquance.

«Concrètement, les policiers n’ont plus à s’occuper des statistiques. Elles se font automatiquement au moment de l’enregistrement des plaintes», explique-t-on au ministère de l’Intérieur. Des «distorsions» ont en effet pu être remarquées au fil des mois, notamment quand «un mois s’arrêtait au 28e ou 29e jour», a justifié le ministre. «L’interprétation ne sera plus possible. C’est la fin de la politique du chiffre», jure-t-on dans son entourage.

Finies les polémiques?

Le logiciel permettant l’écriture et l’enregistrement automatique des statistiques a déjà été mis en place chez les gendarmes. Il doit l’être d’ici à la fin de l’année dans tous les commissariats de police.

A en croire le ministère de l’Intérieur, l’authenticité des chiffres de la délinquance ne sera donc plus discutable. Pourtant, ils ne refléteront pas l’ensemble de la réalité de l’insécurité, puisque ces données ne se fonderont uniquement que sur les plaintes qui auront été déclarées. «Ce qui n’est pas connu peut être complété par les enquêtes de victimation de l’observatoire national de la délinquance et des réponses pénales [ONDRP]», avance un conseiller de la Place Beauvau. Les études de cet organisme prennent en compte des chiffres administratifs exhaustifs et les pondèrent avec des données qualitatives pour mesurer des phénomènes de délinquance.

Lacunes

Malgré les efforts de transparence, ce nouvel outil présente des lacunes. Car même si, effectivement, l’enregistrement des plaintes et le calcul des chiffres a été simplifié, le policier sera toujours à l’origine de l’opération. «Il n’y aura pas un agent de l’Insee dans chaque commissariat», observe auprès de 20 Minutes Christophe Soullez, criminologue et responsable de l’ONDRP. Autrement dit, les policiers seront, comme avant, soumis aux directives de leur hiérarchie, elle-même comptable de l’autorité politique.

Même si Christophe Soullez note que «le nouveau logiciel n’autorise pas les mêmes marges d’erreur qu’auparavant», il fait toutefois remarquer que les policiers auront toujours la possibilité de décider de classer un dépôt de plainte en main courante. «C’est sans doute un plus. Mais ce n’est pas l’outil révolutionnaire qui était annoncé. Il limite mais n’empêche pas que les policiers soient assujettis à des objectifs chiffrés, donc manipulés», poursuit le criminologue.

Bernard Cazeneuve a annoncé qu’il dévoilerait devant cette commission deux fois par an les chiffres du SSM, dont les premiers «répondant pleinement aux normes de qualité de la statistique publique» seront disponibles à l’été 2015.