Décapitation d'Hervé Gourdel: «Ceux qui ont fait ça ne sont pas musulmans»
REPORTAGE•Ce jeudi, devant la grande mosquée de Paris, tous les fidèles étaient unanimes pour dénoncer l'exécution de l'otage français par un groupe proche des islamistes de Daesh...Delphine Bancaud
Il n’y a pas plus d’affluence que d’habitude en ce jeudi après-midi à la grande mosquée de Paris, mais tous les fidèles ont encore en tête la tragédie de la veille. Avant de participer à la deuxième prière de la journée, Zrourou s’arrête pour condamner la décapitation mercredi d’Hervé Gourdel par un groupe proche de Daesh. «Ceux qui ont fait ça ne sont pas musulmans. L’Islam condamne ceux qui tuent des innocents», déclare-t-il ému.
Un autre fidèle, Kamel, témoigne de la même indignation: «L’islam est la religion de la tolérance, de la liberté, de la justice. On ne peut pas commettre des actes barbares comme celui-là en son nom.» Si plusieurs personnes refusent de s’exprimer, d’autres sont au contraire pressées de témoigner leur révolte, comme Jamila: «Ça fait trop mal au cœur qu’un groupe de fanatiques utilise notre religion pour tuer. Et le fait que la victime soit française est encore plus douloureux», confie-t-elle, en déclarant qu’elle va prier pour Hervé Gourdel. «Ces barbares, ils seront jugés par dieu», se rassure-t-elle.
Billal avance, visiblement tendu: «Je suis en colère. Ces extrémistes interprètent mal le Coran. Je n’arrive pas à comprendre comment ils ont pu détourner notre religion à ce point-là. Ils nous salissent. Et j’ai presque honte de dire que je suis algérien comme eux.» De son côté, Anis avoue avoir peur que «les exécutions continuent».
La crainte de l’amalgame
Rania et Zeinab, étudiantes, confient aussi leur peur de la stigmatisation des musulmans: «Par paresse intellectuelle, beaucoup de personnes font l’amalgame entre terrorisme et islam. Alors que c’est une religion de paix et que nous respectons les valeurs de la République. Ce drame va encore ternir l’image des musulmans», déclare Rania. «Parce que je porte un voile, je suis souvent dévisagée. Ces exécutions vont encore renforcer la suspicion de certains à notre égard», renchérit Zeinab. Kamel pense aussi que «ce drame va porter préjudice à tous les musulmans. Tout le monde va être mis dans le même sac.»
Une hypothèse à laquelle ne croit pas Billal: «Le peuple français est très intelligent et ne se laisse pas influencer. Je suis sûr qu’il fera la différence entre ces barbares et nous.» Même son de cloche chez Jamila: «On ne peut pas juger une communauté à l’aune d’un acte commis par un groupuscule extrémiste», assure-t-elle.
Important de prendre position
Quelle que soit leur opinion sur le sujet, tous accueillent avec bienveillance le rassemblement prévu ce vendredi devant la grande mosquée de Paris. «Les médias donnent une mauvaise image de notre religion, alors cette prise de parole publique est vraiment importante», affirme Anass, étudiant. «Cette initiative est formidable. On entendra enfin la majorité silencieuse déclarer qu’elle se désolidarise de ses actes odieux», poursuit Rania.
Et pour Kamel, le fait que les musulmans soient appelés à se dissocier publiquement des exactions commises par des terroristes n’a rien de choquant: «C’est normal qu’on réagisse et que l’on exprime notre révolte face à ceux qui se réclament de notre religion pour assassiner.» Partageant cet avis, Jamila a d’ailleurs prévu d’assister à ce moment de recueillement. Quant à Billal, il a l’intention de se prendre en photo avec une pancarte «not in my name» et de la poster sur les réseaux sociaux. «L’auditoire sera encore plus large», assure-t-il.