Kerviel: Sa demande d'expertise, à nouveau renvoyée, sera examinée le 13 novembre
JUSTICE•L'ex-trader veut faire réévaluer les pertes que la Société générale lui impute...Céline Boff
La cour d'appel de Versailles a de nouveau renvoyé mercredi, cette fois au 13 novembre, l'examen d'une demande formulée par Jérôme Kerviel d'expertise indépendante des pertes que la Société Générale lui impute, tout en assurant qu'il s'agit du dernier renvoi. La cour a fait droit à la demande des avocats de la banque, qui estimaient ne pas avoir eu assez de temps pour examiner de nouvelles conclusions transmises mardi en fin de journée par la défense de l'ancien trader.
L'avocat général a émis des réserves quant à cette demande et estimé qu'elle aurait pu être examinée en même temps que les débats au fond. Mais la cour a préféré fixer une nouvelle audience dédiée à cette demande d'expertise, avant de se pencher sur le fond de l'affaire.
«Ces expertises existent déjà dans le dossier, d'une part à cause de la Commission bancaire, qui a relevé les fautes de la Société Générale, d'autre part parce que le préjudice a été vérifié par les services fiscaux, par l'Inspection générale des finances, les commissaires aux comptes», a déclaré l'avocat de la banque, Me Jean Veil, après l'audience.
«Si la Société Générale a perdu de l'argent, quelqu'un l'a gagné. On voudrait savoir qui, dans quelles conditions»
La Cour de cassation, qui a confirmé mi-mars la condamnation pénale mais invalidé les dommages et intérêts, a offert à Jérôme Kerviel ce nouveau procès, civil uniquement celui-là. Pour donner corps à la thèse qui prête à la banque un rôle actif et non passif, Jérôme Kerviel et sa défense veulent obtenir cette expertise indépendante qui leur a toujours été refusée jusqu'ici.
Ils contestent, en priorité, le montant de la perte tel que chiffré par la Société Générale, soit 4,9 milliards d'euros, les conditions dans lesquelles a été réalisée cette perte et le degré d'implication de la banque. «Si la Société Générale a perdu de l'argent, quelqu'un l'a gagné. On voudrait savoir qui, dans quelles conditions. On voudrait s'assurer que ce n'est pas la Société Générale elle-même par exemple», a expliqué l'avocat de Jérôme Kerviel, Me David Koubbi. Jérôme Kerviel a lui refusé de s'exprimer.
La Société Générale a toujours assuré qu'après avoir découvert une exposition de 50 milliards d'euros, attribuée à Jérôme Kerviel, elle avait confié à l'un de ses traders la mission d'en sortir le plus rapidement possible. Sur des marchés agités, ce trader, Maxime Kahn, avait mis trois jours pour s'exécuter, concluant sur une perte de 6,3 milliards d'euros, ramenée à 4,9 en déduisant le 1,4 milliard gagné par Jérôme Kerviel au terme de l'exercice précédent.
Jérôme Kerviel a fait une apparition remarquée à la fête de l'Humanité
Un scénario que conteste le «rogue trader» (trader voyou), comme le présentent inlassablement les médias anglo-saxons. «Cette expertise est primordiale pour moi», avait déclaré l'ancien opérateur de marché lors d'une première audience technique à Versailles, le 10 juin. Selon lui, elle «démontrera que la banque n'a pas perdu d'argent. Il n'y a pas de perte».
Malgré ses 112 jours de détention à l'isolement entre le 19 mai et le 9 septembre, malgré près de sept années de procédure, Jérôme Kerviel semble plus affûté que jamais. Il veut tenter de convertir l'élan né de la décision de la Cour de cassation. «Nous avons le sentiment que ce vent là est en train de changer et c'est un point de satisfaction pour nous», a estimé Me Koubbi après l'audience de mercredi.
Cet élan est nourri par un nouveau soutien populaire ainsi que par l'appui de plusieurs personnalités issues d'univers très différents, de l'évêque de Gap, Mgr Jean-Michel di Falco, au leader du Parti de gauche (PG), Jean-Luc Mélenchon, en passant par le député UMP Georges Fenech. Samedi, Jérôme Kerviel a fait une apparition remarquée à la fête de l'Humanité, à l'invitation de Mélenchon qui, pour justifier son geste, a dressé un parallèle avec le capitaine Alfred Dreyfus, victime de l'une des plus célèbres erreurs judiciaires en France.