Limitation de l'alcool à 0,2g/l pour les conducteurs novices: «C’est une fausse bonne idée»
INTERVIEW•Chantal Perrichon, présidente de la Ligue contre la Violence routière, critique l’efficacité de cette piste, évoquée dans un rapport remis au ministre de l’Intérieur en juillet…Propos recueillis par Delphine Bancaud
Un serpent de mer qui ressurgit. Abordée lors du Conseil national de la Sécurité Routière (CNSR) en 2012, la limitation du taux d’alcool autorisé pour les conducteurs novices refait surface. Selon Le Parisien, un rapport remis au ministre de l’Intérieur en juillet propose de limiter le taux autorisé pour les conducteurs novices de moins de deux ans à 0,2g/l de sang au lieu de 0,5g. Une mesure que fustige Chantal Perrichon, présidente de la Ligue contre la Violence routière.
Pourquoi cette piste de la limitation du taux d’alcool pour les conducteurs novices ressort-elle en ce moment?
Ce rapport remis en juillet au ministre de l’Intérieur n’a pas été donné aux membres du CNRS. Peut-être le gouvernement l’a-t-il fait fuiter dans la presse pour évaluer comment l’opinion réagirait?
Cette mesure serait-elle applicable, selon vous?
C’est une fausse bonne idée, que ne recommandent d’ailleurs pas les experts de la sécurité routière. Car le taux d’accidentalité est faible entre 0,2g/l de sang et 0,5g. Dans plus des deux tiers des accidents mortels causés par l’alcool, l’alcoolémie est supérieure à 0,5g/l de sang. Mais c’est une mesure politiquement correcte pour ceux qui ne connaissent pas le sujet.
Elle a pourtant été adoptée dans plusieurs pays d’Europe. Son efficacité n’a-t-elle pas été prouvée?
Non, car en Grande-Bretagne par exemple, le taux d’alcoolémie autorisé est supérieur au nôtre (0,8g/l de sang au lieu de 0,5g/l), et il y a moitié moins d’accidents mortels qu’en France.
Cette piste peut-elle être considérée comme discriminatoire vis-à-vis des jeunes conducteurs?
Oui, car si on veut traquer les conducteurs sous l’emprise de l’alcool au volant, il vaut mieux regarder vers les 30-40 ans. On focalise sur une classe d’âge, alors qu’en matière de sécurité routière, les bonnes mesures sont celles qui profitent à tout le monde, comme la mise en œuvre des radars.
Quel serait selon vous le meilleur moyen de lutter contre l’alcool au volant?
Aujourd’hui, 30 % des accidents mortels sont dus à l’alcool et 3 % des conducteurs roulent avec un taux d’alcool dans le sang qui n’est pas conforme avec la législation. Il faut impérativement leur faire changer de comportement, en renforçant les contrôles sur la route. Car les conducteurs français ont moins de chance d’être contrôlés par les forces de police pour évaluer leur alcoolémie, que d’être flashés par un radar. Chaque année, seulement 11 millions de contrôles d’alcoolémie sont pratiqués en France, c’est vraiment trop peu!
Estimez-vous donc que cette mesure a peu de chances de passer?
Oui, car le gouvernement ne prendra pas une mesure qui ne sert à rien en termes de sécurité routière. C’est d’ailleurs pour ça que cette piste, évoquée en 2012, n’avait pas été suivie.