HISTOIRELibération de Paris: Héroïsme et basses œuvres des policiers sous l’Occupation

Libération de Paris: Héroïsme et basses œuvres des policiers sous l’Occupation

HISTOIREUne plaque commémorative doit être inaugurée par François Hollande lundi…
William Molinié

William Molinié

Des rafles du Vel-d’Hiv au soulèvement de la préfecture de police, la police parisienne conserve de l’Occupation une image tantôt héroïque, tantôt pusillanime. Une page qu’elle affronte encore avec difficulté aujourd'hui. Très appliquée pour livrer des Juifs aux Allemands ou rechercher les résistants, elle a cependant eu aussi un rôle moteur dans la libération de Paris, dont les 70 ans sont commémorés depuis mardi et s’achèveront ce lundi par l’inauguration d’une plaque par le président de la République.

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Le 19 août 1944 au matin, près de 3.000 policiers en civil, en grève depuis quatre jours, prennent possession sans heurt de la caserne de la Cité après avoir négocié l’entrée avec les gendarmes mobiles. Position qu’ils vont défendre face à la Wermacht. En une semaine de combats contre les Allemands, 167 policiers vont tomber sous les balles. Une salle de réception de la préfecture de police a été renommée «salle des 167» en leur mémoire.

Anniversaire en demi-teinte

«De la police parisienne, sous l’Occupation, on ne retient souvent que les basses œuvres accomplies au service de l’Etat français, sous le joug de l’occupant […]. On connaît en revanche peu l’engagement de centaines, voire de milliers de policiers dans la Résistance», écrit le préfet de police Bernard Boucault dans le magazine Liaisons de la Préfecture de police dont le numéro du mois d’août est entièrement consacré à ces policiers qui ont libéré Paris.

Chaque année, cet événement est commémoré dans la «Cour du 19 août». Un anniversaire qui selon Jean-Marc Berlière, historien spécialiste de l’histoire des polices, fonctionne «un peu comme une mémoire écran, une manière d’occulter la rafle du Vel’d’Hiv’», indiquait-il lundi à l’AFP.

80% des policiers ont soutenu le soulèvement

Parmi les services les moins glorieux de la préfecture de police sous l’Occupation, figurent les deux brigades spéciales des Renseignements généraux, les BS1 et BS2, dont les agents ont livré une véritable chasse aux communistes et avaient transformé leurs locaux de la rue des Saussaies en officine de torture. «La SS [police allemande dans les territoires occupés, ndlr] était sensible à [leur] efficacité», écrit dans Liaisons l’historien Jean-Pierre Azéma. Il ajoute: «Elle appréciait la collaboration zélée de René Bousquet, secrétaire général à la police.»

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Pour autant, malgré l’obligation de la police française d’exécuter les ordonnances de l’Allemagne nazie après l’armistice signé en 1940, une écrasante majorité, «probablement 80%», évalue Jean-Pierre Azéma, des 21.000 policiers de la préfecture de police cessent d’obéir aux ordres de leur hiérarchie. Ils iront même jusqu’à arrêter et séquestrer le préfet de police de l’époque, Amédée Buissière.

Désobéissance

«L’engagement précoce a été longuement occulté: des policiers, à titre individuel, ont dit non très tôt aux basses œuvres en démissionnant», précise Christine Levisse-Touzé, directrice du musée du Général Leclerc de Hauteclocque et de la libération de Paris. Mais là encore, l’administration a du mal à célébrer ces policiers qui ont résisté. «Le problème d’un policier résistant, c’est qu’il représente quelqu’un qui désobéit, et dans une telle institution, régie par l’ordre et l’obéissance, il est difficile de le mettre à l’honneur», commente Jean-Marc Berlière à l’AFP.

Cette ambivalence se retrouve jusque dans la cour du 19 août, au cœur de la PP. Deux monuments aux morts, côte à côte, listent sur l’un les noms de policiers morts au cours des combats de la Libération, sur l’autre des noms de policiers qui sont tombés sous les balles des résistants pendant la collaboration.

Une plaque commémorative doit être apposée lundi prochain, date anniversaire de la fin du soulèvement policier, en présence de François Hollande. «Elle sera apposée du côté de la porte Notre-Dame», précise-t-on à la PP. Juste en face d’une autre plaque, inaugurée en son temps par François Mitterrand.