INTERVIEWContrôle parental: «Les enfants ne devraient pas avoir de portable avant le collège»

Contrôle parental: «Les enfants ne devraient pas avoir de portable avant le collège»

INTERVIEWLe psychanalyste Michaël Stora évoque l’usage par les enfants des technologies de communication…
Nicolas Beunaiche

Nicolas Beunaiche

Les parents angoissés ont la cote sur le marché des nouvelles technologies. Après la carte de crédit mouchard ou encore les logiciels de contrôle et d’espionnage parental, vient d’être lancée sur Android Ignore No More, une application qui permet de bloquer le portable de son rejeton à distance… et de lier son déblocage à un appel à papa ou à maman. Technologies contre technologies, parents contre enfants, la guerre est ouverte. 20 Minutes a demandé ce qu’il en pensait à Michaël Stora, psychiatre et cofondateur de l’Observatoire des mondes numériques en sciences humaines.

Les applications de contrôle parental se multiplient. Y a-t-il un marché en France, selon vous?

Bien sûr. Comme toutes les sociétés occidentales, la société française a cette culture du contrôle. Il y a une anxiété, une hyperattention à l’enfant qui font le terreau de ce genre de services et qui les transforment en outils de surveillance. Avant l’application visant à bloquer le smartphone de l’enfant, il y a eu plein d’autres choses comme la carte de crédit plafonnée ou encore le chausson connecté qui contrôle le rythme cardiaque du bébé. Cela rassure les parents.

Est-ce une pratique saine, de votre point de vue?

Non, je trouve que cela ne va pas dans le bon sens. On est dans l’injonction paradoxale: les parents disent finalement à leur enfant «nous pouvons te faire confiance mais c’est nous qui décidons quand». C’est ce que j’appelle le fil à la patte. Ils lui donnent une illusion d’autonomie caractéristique de nos sociétés où se joue dans le même temps un processus d’adultification des enfants. De plus en plus jeunes, ils se comportent comme des ados, veulent utiliser les réseaux sociaux, réclament un téléphone portable. Or les parents, de leur côté, sont de plus en plus angoissés. Je crois aux rituels de passage, au mécanisme de frustration/récompense, comme peut l’être le permis de conduire à 18 ans par exemple. Il ne faut pas brûler les étapes.

Quel est alors l’âge idéal pour se mettre aux technologies?

Dès l’âge de 10 ans, aujourd’hui, les enfants réclament un smartphone. Je crois que c’est trop tôt. Pour moi, l’entrée au collège est un meilleur marqueur. C’est le moment de la puberté. Les enfants utilisent leur téléphone pour échanger et jouer avec leurs camarades, ils en ont besoin. Et le collège est là pour réguler son utilisation. Pour ce qui est de Facebook, je crois que 13 ans, l’âge imposé par la législation américaine, n’est pas idiot.

Serait-il envisageable de déconnecter complètement son enfant de la technologie?

Diaboliser Internet comme le téléphone portable est contre-productif dans le sens où cela en fait des objets de convoitise. Pire, cela peut même encourager les pratiques à risques. Lorsqu’on est adolescent, on aime transgresser les règles. C’est un danger quand on sait que de plus en plus de crises d’adolescents sont virtuelles.