Semaine de l’allaitement maternel: «Ma fille a 5 ans, je l’allaite encore»
TÉMOIGNAGES•’Organisation Mondiale de la Santé recommande six mois d’allaitement. Certaines mères vont jusqu’à cinq ans. Pure folie?...Christine Laemmel
Un enfant rentre de l’école. Il marche, parle et a des dents. Il soulève le pull de sa mère et accroche sa bouche à son sein. Le regard vissé dans les yeux de sa génitrice. Une scène gênante? Normal, la médiane française est à 10 semaines d’allaitement, soit moins de trois mois. Julianne, Isabelle, Charlotte et la centaine de mères qui ont répondu à notre appel à témoignages, ont pourtant continué bien au-delà. Deux ans souvent, mais parfois plus.
«Ma fille en a besoin et j’en ai besoin»
Ma dernière fille s’est sevrée la veille de son entrée en CP, explique Isabelle, elle avait 5 ans et 9 mois». Charlotte allaite encore sa fille de cinq ans. Misant comme beaucoup sur le sevrage naturel. «Il arrêtera quand il le décidera, quand il sera prêt», résume une autre. Toutes ont commencé parce que c’était «naturel», animal presque. «Une mère produit du lait fait pour son enfant comme une vache produit du lait pour ses propres petits», écrit Anaïs. Elles ont continué pour la même raison. Pour le confort du geste, c’est «gratuit et moins contraignant que de préparer un biberon au milieu de la nuit», avance Natacha. Et la relation de complicité qui s’installe, tétée après tétée. «Un formidable moyen de consoler» pour Barbara. «Quand ma fille ne voulait pas manger, c’était la solution de secours», nous dit même Brigitte. Si la santé du bébé est l’argument de base, la nécessité de la mère arrive vite. «Ma fille en a besoin et j’en ai besoin», avoue Audrey. «Soumission» voire «dépendance» sont écartées par cette internaute. «C’est juste une philosophie. Je suis fière de moi, de nous. Quand ma fille me dit: "Mmmm bon!" Je suis aux anges.»
«Vous avez un bébé entre vous et votre mari»
Céline va jusqu’à parler de «plaisir» et de «symbiose en cercle fermé». Dont est exclu chaque jour un peu plus le père. «Pour moi, le sein c’est moi, confirme-t-elle, le lien avec le père peut se créer de plein d’autres manières. C’est à lui de trouver ce biais.» Un peu obstinée de son propre aveu, Céline a essuyé les remarques de son mari, grossesse après grossesse. Clairement dérangé par «ce bébé accroché à [son] sein.» Quand vous allaitez, «vous avez un bébé entre vous et votre mari», résume tristement Céline. Si la rupture était inévitable de son côté, Anne-Marie a elle stoppé son allaitement «un peu forcée» par son conjoint. Seul père à nous contacter, Loïc assure que la décision a été prise «ensemble» et Emilie n’hésite pas à parler de «notre allaitement», à trois avec mère, père et enfant. Pour le reste, les maris «soutiennent», sans plus ou moins de passivité.
«Je n’ai jamais eu l’impression d’être une femme du Moyen-Age»
Autour de ces allaitantes de longue durée, c’est le même refrain qui tourne en boucle, «c’est malsain». Céline balaye les remarques, «déterminée». Mais dans quelques mois, quand sa fille aura deux ans, elle arrêtera, refusant, «l’allaitement d’enfant», qui peut devenir «idéologique». «Il faut passer à autre chose.» Comme par exemple, reprendre le travail. Quelques-unes sont à mi-temps. Emmanuelle a profité d’une période chômée pour prolonger son allaitement. «Puis mon emploi a eu raison de mon envie: beaucoup de fatigue, peu de temps et de moins en moins de lait. Il a fallu ajouter un biberon.» Le secret serait d’apprivoiser le tire-lait sur son lieu de travail. Ou de limiter comme beaucoup d’internautes, l’allaitement au lever et au coucher. L’idéal, assène Céline, pourrait surtout être d’arrêter d’opposer féminisme, épanouissement de la femme, indépendance et allaitement. «On peut tout faire coïncider», assure cette Parisienne, chargée de relation presse dans un grand groupe, «je n’ai jamais eu l’impression d’être une femme du Moyen-Age».