Les tensions à Calais exacerbées par l'afflux de migrants via l'Italie
Les rixes entre migrants d'Afrique de l'Est qui tentent depuis Calais de passer en Angleterre témoignent des tensions croissantes que provoque leur afflux via l'Italie, comme s'en inquiète un rapport de la Police aux frontières (PAF).© 2014 AFP
Les rixes entre migrants d'Afrique de l'Est qui tentent depuis Calais de passer en Angleterre témoignent des tensions croissantes que provoque leur afflux via l'Italie, comme s'en inquiète un rapport de la Police aux frontières (PAF).
En un peu plus de 24h, des groupes de Soudanais et d'Erythréens se sont affrontés à trois reprises, dans le centre et dans la zone portuaire de Calais, malgré l'envoi d'une quarantaine de CRS en renfort dimanche soir.
Ces heurts ont fait au total près de 70 blessés, dont l'un a dû être héliporté dans un état grave à l'hôpital de Lille, dans la nuit de lundi à mardi.
Mardi soir, une grosse mais brève bousculade s'est produite au début de la distribution des repas. Elle n'a cependant pas dégénéré en affrontement violent cette fois, contrairement à ce qui s'était passé lundi, grâce à l'intervention rapide de militants associatifs, sous l'oeil de dizaines de CRS, a constaté un journaliste de l'AFP.
«Toujours se battre!» («Always fight!»), dit en anglais un Afghan, arrivé il y a deux jours à Calais. «Pour les douches, les toilettes, la nourriture…».
Tony, membre de l'association Calais ouverture humanité (COH), raconte : «Il y a des tensions dans tous les sens» car «les migrants ne sont plus les seules cibles des tensions». «Le peuple calaisien se sent sous tension car il vit mal la cohabitation. Mais vu la façon dont c'est géré, on peut les comprendre. Et les militants subissent la pression des Calaisiens qui s'opposent aux pro-migrants et aux migrants».
A Calais, selon les chiffres officiels, près de 7.500 clandestins ont été interpellés depuis le début de l'année alors qu'ils tentaient d'embarquer clandestinement pour la Grande-Bretagne.
Tony évalue le nombre actuel de migrants à 1.400, les estimations officielles étant de 1.200 à 1.300.
Cela représente une augmentation «de l'ordre de 50% en quelques mois», avait dit lundi le préfet du Pas-de-Calais, Denis Robin.
Selon Tony, aujourd'hui «60, 70% des migrants qui sont à Calais viennent d'Italie».
Or «le nombre de personnes remontant d'Italie après avoir traversé la Méditerranée va continuer à augmenter au moins jusqu’à l’automne» (la navigation devenant ensuite plus difficile), ce qui risque d'aggraver encore les tensions, redoute Philippe Wannesson, un autre militant associatif.
- Un rapport préoccupant -
Selon un rapport de la PAF, dévoilé mardi par Le Figaro, «entre le 1er janvier et le 30 juin 2014, 61.591 migrants irréguliers ont débarqué en Italie» contre «7.913 pour la même période en 2013 et seulement 4.301 pour les six premiers mois de 2012. Les Erythréens représentent 31% de ces migrants (18.282). Les Syriens arrivent en deuxième position, avec 10.371 (17%)».
Cet afflux massif a eu pour conséquence une accentuation de «la pression migratoire sur la frontière avec l'Italie», et l'interpellation par la PAF de 5.235 personnes au premier semestre 2014, souligne le rapport.
Sollicité par l'AFP, le ministère de l'Intérieur a déclaré : «Cependant, tout, à commencer par la baisse des demandes d'asile en France au 1er semestre 2014, indique que la France est pour ces migrants un pays de transit».
Younas, un Erythréen de 21 ans, disait à l'AFP mardi en gare de Nice qu'il souhaitait gagner Paris, puis Calais, pour «aller étudier en Angleterre». Le jeune homme sans bagages voyageait avec deux compatriotes silencieux.
Son voyage lui a déjà coûté plus de 4.000 euros, dont 1.400 euros pour se rendre de Libye en Italie sur un bateau de 400 personnes.
A Calais, comme annoncé lundi par le préfet Denis Robin, des membres de l'Ofii (Office français de l'immigration et de l'intégration) sont venus présenter les dispositifs existants aux migrants d'un campement non loin du centre-ville, a constaté un journaliste de l'AFP. Ils leur ont aussi distribué des notices explicatives en arabe.
«Ils doivent revenir nous voir dans deux jours pour trouver une solution», a dit Gassim, un Soudanais de 30 ans, présent depuis trois semaines à Calais, après avoir quitté le Soudan en 2012 et être passé par la Libye puis l'Italie.
Mais, dit-il, les démarches administratives sont longues et compliquées en France. «Ce que vous ne trouvez pas en France, vous le trouvez très facilement en Angleterre», affirme-t-il.