Où va la drogue saisie par la police?
POLICE•Les stupéfiants restent parfois des mois au sein des polices judiciaires avant d'être détruits...undefined undefined
Stupéfiante disparition. La brigade des stup’ parisienne s’est aperçue jeudi matin que 50 kilos de cocaïne s’étaient évaporés dans la nature. La disparition, constatée par un fonctionnaire lors d’une présentation à un stagiaire, n’en finit plus de faire des remous au célèbre 36 Quai des Orfèvres. Saisie au début du mois de juillet, la drogue provient d’une enquête sur un réseau de ressortissants étrangers, soupçonnés d’alimenter le nord de Paris. Après la saisie, la cocaïne avait pourtant suivi la procédure d’usage.
>> Lisez par ici l’interview de l’ancien directeur de la PJ parisienne, Claude Cancès
Parfois des mois avant la destruction
La drogue était entreposée dans la petite pièce consacrée, au centre du service. «Quand on procède à une saisie, les produits stupéfiants sont placés dans une pièce sous scellés. En ce qui concerne la brigade des stupéfiants, il s’agit d’une pièce idoine sécurisée avec une porte blindée», confirme-t-on à la PJ de Paris.
Normalement, seul un «petit noyau de policiers a accès à la clé», se souvient l’ancien chef du 36 Quai des Orfèvres, Claude Cancès. Ici, il s’agirait du chef de service et du chef d’état-major, d’après les informations recueillies par l’Express. Aucun personnel non-policier n’est par ailleurs autorisé à entrer.
«Les produits sont gardés plusieurs semaines ou plusieurs mois dans cette pièce. Tout dépend de la durée de l’enquête», explique-t-on la PJ. Il faut ainsi attendre la décision du parquet pour pouvoir procéder à la destruction des stupéfiants.
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De quoi rémunérer les indics?
Une partie de la drogue peut-elle servir à rémunérer des indics? Claude Cancès le concède. «Je ne sais pas si ça se fait encore, mais à mon époque, on donnait un petit peu de haschisch ou de cocaïne aux indics pour leur consommation personnelle». Il reconnaît ainsi avoir vu disparaître des petits paquets de 2 ou 3 kg lorsqu’il était aux affaires.
La pratique a longtemps été taboue. Mais depuis quelques années, certains policiers sont passés aux aveux. «Quand un tonton [un indic] donne une belle affaire de stupéfiants, on lui rétrocède une petite partie de la drogue saisie. C’est 10 %. Sur 1 kg, cela lui fait 100 grammes d’héroïne ou de coke pure à écouler. On est dans l’illégalité totale, mais c’est la règle et tout le monde le sait», expliquait par exemple Patrick Mauduit, chef de groupe à la police judiciaire de Paris, au Point en 2002. «Je crois qu’avec les polémiques Neyret et autres, tout cela a disparu», assure Claude Cancès.
Officiellement, la pratique est interdite. La loi sur la sécurité de 2004, dite Perben II, est censée encadrer la rémunération des «tontons». «Que sur des saisies, il y ait quelques fois quelques prélèvements pour constituer un trésor de guerre et monnayer ensuite des indics, c’est possible même si c’est rare», répond à L’Express Thierry Colombié, chercheur au CNRS et spécialiste du grand banditisme. L’ampleur de la cocaïne disparue constatée jeudi ne semble pas la lier à cette pratique.