Prison: à La Santé, après un siècle et demi d'activité, le silence

Prison: à La Santé, après un siècle et demi d'activité, le silence

Le cliquetis des clefs et le bruit de quelques portes qui s'ouvrent et se ferment, il n'y a plus que cela qui anime encore le quotidien de la maison d'arrêt parisienne de La Santé, aujourd'hui vide de détenus pour la première fois depuis 1867.
Un gardien dans un couloir de la prison de la Santé le 25 juillet 2014 à Paris
Un gardien dans un couloir de la prison de la Santé le 25 juillet 2014 à Paris - Martin Bureau AFP
© 2014 AFP

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Le cliquetis des clefs et le bruit de quelques portes qui s'ouvrent et se ferment, il n'y a plus que cela qui anime encore le quotidien de la maison d'arrêt parisienne de La Santé, aujourd'hui vide de détenus pour la première fois depuis 1867.

Pour le reste, c'est le silence. Et les surveillants restés dans l'établissement, qui va être rénové et rouvrira en 2019, ne s'y habituent pas encore. «Ca pèse, c'est impressionnant», confie Jean-Marie Akera, chef de détention.

Car le lieu, même sans ses détenus (le quartier de semi-liberté fonctionne encore mais ses occupants ne font qu'y dormir), dont les 60 derniers ont été transférés dimanche dernier, en impose. Dès la cour d'honneur, dont les murs sont envahis par le lierre.

Dans le coin où, en novembre 1972, furent guillotinés Claude Buffet et Roger Bontems, les derniers exécutés de La Santé, quelques surveillants prennent leur pause, sur les marches, à l'ombre.

Aucun signe ne rappelle ces exécutions. Et de manière générale, La Santé ne se présente pas comme un musée. Pas de vieux objets, d'écriteaux anciens, de mobilier historique, à part les portes en bois des cellules de la première division, qui semblent être d'origine.

Dans le quartier VIP, le particulier comme l'appellent les surveillants, aucun souvenir du passage de Bernard Tapie ou de Jérôme Kerviel dans ces cellules un peu plus grandes que les autres mais sans aucun luxe, à part des toilettes fermées.

Dans les cours triangulaires entièrement grillagées du quartier disciplinaire, où la promenade avait lieu individuellement, seuls restent, sur les murs, les noms qu'ont gravés des détenus: BOURRON, PEKZE ou GATAGA.

Le seul vrai signe récent du passage des milliers de prisonniers qui ont fréquenté La Santé? Ces dizaines de ballons de foot crevés qui sont restés accrochés aux barbelés, tout autour de la cour de promenade de la première division.

- «On se disait bonjour» -

Restent les murs, cette architecture du 19ème siècle, qui a «une puissance sur nous», explique la directrice, Sylvie Manaud-Benazeraf.

Avant de se figer, l'établissement a continué à vivre jusqu'à ces dernières heures, tourné vers le présent plutôt que le passé.

C'est d'ailleurs ce qui plait à sa directrice. Arrivée en 2007, après un premier séjour au début des années 90, elle a fait sienne l'approche renouvelée du rôle de la détention, plus orientée vers la réinsertion, en composant avec les contraintes d'un établissement de moins de 3 hectares et vieux d'un siècle et demi.

«On a ces murs très anciens mais, à l'intérieur, on est perpétuellement en mouvement», décrit-elle.

Pour ce faire, elle s'est beaucoup appuyée sur les usages du lieu. Après plus de dix ans passés dans d'autres établissements, elle y a retrouvé, en 2007, «le même sens des relations, la même proximité».

Les nouveaux établissements ont laissé place à l'automatisation, principalement pour diminuer les risques, mais à La Santé, on se voyait, on se parlait.

«A chaque porte, il y avait un surveillant pour ouvrir la porte. Ce n'était pas automatique donc, à chaque fois, il y avait un contact, on se disait bonjour», explique M. Akera.

La coursive, avec ses balcons filants sur les trois étages de chaque division, sorte d'atrium immortalisé dans plusieurs films, permettait de balayer du regard tout un quartier.

«On n'avait pas les mêmes moyens qu'un établissement pénitentiaire moderne, mais on avait le savoir des agents qui étaient là depuis un certain temps», explique Mme Manaud-Benazeraf.

Pas de gymnase? Les détenus avaient, du coup, le droit à deux promenades quotidiennes, une le matin et une autre le soir.

Et malgré la vétusté, l'absence d'infrastructures pour les activités, le manque d'espace, La Santé connaissait plutôt moins d'incidents violents que la moyenne et n'a pas enregistré d'évasion depuis près de 30 ans.

Cette détention relativement apaisée s'expliquait par la proximité, le profil des détenus, essentiellement parisiens, mais aussi par la situation géographique de l'établissement, au coeur de la ville. Un lieu facilement accessible aux avocats, aux associations et surtout aux familles.

«Cette notion d'intérieur-extérieur, il faut la maintenir. Je pense que c'est extrêmement important, pour les magistrats, les personnes détenues, pour la réinsertion, de maintenir un établissement à Paris. C'est fondamental», plaide la directrice.

Autre avantage, de son point de vue, «on rend la prison visible. Je pense qu'il faut que le corps social assume ses prisons».