Après 100 jours de pouvoir à Mantes-la-Ville, le FN «n'est pas audible»
REPORTAGE•Reportage à Mantes-la-Ville, la seule commune d’Ile-de-France est dirigée par le Front national depuis les élections municipales de mars 2014…Anne-Laëtitia Béraud
Soixante et une voix d’écart ont permis à Cyril Nauth*, le candidat du Front national, de gagner la mairie de Mantes-la-Ville, dans les Yvelines. Cent jours plus tard, rien ou presque ne rappelle dans cette commune de 20.000 habitants ce «séisme politique très grave», selon les termes du Front de gauche.
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A quelques pas de la place proprette de la mairie, vendredi, une retraitée qui vit depuis des années à Mantes estime que le «malaise» d’être la seule municipalité FN d’Ile-de-France est retombé assez vite. «Le maire, au jour le jour, on n’y fait pas vraiment attention. Il n’a pas changé mon quotidien», explique la dame âgée. Des propos nuancés par deux ados à la gare de Mantes Station pour qui «le FN ici, c’est une bande de fachos qui essaient de faire propre».
«Les balayeuses qui tournent 24h sur 24»
Afin de réveiller le sens civique dans cette commune marquée par un taux d’abstention de plus de 42 % aux municipales, Romain Carbonne a lancé le Collectif de réflexion et d’initiatives citoyennes (Cric)*. Ce groupe de Mantevillois vise à ranimer l’intérêt pour la politique et analyser la gestion municipale du FN, en étant notamment présent à chaque conseil municipal.
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«A Mantes-la-Ville, on est dans un contexte différent de Béziers ou Fréjus par exemple. Cyril Nauth [le maire FN] a gagné de très peu, et sa seule promesse de campagne est d’empêcher la rénovation d’une salle de mosquée», explique Romain Carbonne, qui précise n’être «ni encarté ni syndiqué». «Mais on ne peut pas dire que la voix du FN soit audible à Mantes. La ville n’a pas changé sa façon de vivre», ajoute-t-il. Seules particularités selon le Mantevillois: «les balayeuses qui tournent 24 heures sur 24». Et entre la gare, la place de la mairie, la bibliothèque et le parc de la Vallée, en effet, pots fleuris et parterres rythment les rues calmes. Quelques graffitis «Antifa» (diminutif d’antifascistes) ou «No pasaran» sont visibles vers la gare et près de la mairie, mais n’ont pas l’air de pertuber un employé municipal réparant un bout de trottoir.
Les associations voient leurs subventions coupées
L’inquiétude à Mantes-la-Ville, ce sont les coupes des subventions aux associations. L’une des dernières à en faire les frais est l’Ensemble Orchestral de Mantes-la-Ville. Créé il y a 130 ans, il a vu sa subvention municipale, comme de nombreuses associations, amputée de 22 % entre 2013 et 2014, de 20.700 euros à 16.146 euros. Ces baisses de dotations s’inscrivent dans le cadre d’une lutte contre le «fonctionnement archaïque» du budget de la Ville, comme l’indique le premier adjoint chargé des Finances Laurent Morin, dans le magazine municipal de mai-juin 2014.
Du côté du festival de musique et d’art de rues «Content pour rien», qui se tient au parc de Mantes-la-Ville du 4 au 6 juillet, on marche sur des œufs. «Jusqu’ici, tout s’est bien passé avec la mairie qui nous prête le lieu. Mais on n’a pas reçu de subventions de Mantes, et on n’a pas de liens avec eux», explique l’organisateur Alexandre Aumont, qui précise que la tenue du festival à Mantes avait été programmée avec l’ancienne municipalité.
A quelques heures des premiers concerts, vendredi, l’un des membres de l’association craint autant la pluie que le festival soit «marqué FN», dissuadant des visiteurs de venir. Avant d’ajouter que le festival «ne va surtout pas diaboliser les gens de Mantes-la-Ville». «Mais on laisse la voix libre à tous ceux qui veulent s’exprimer durant le festival», ajoute encore Alexandre Aumont. Le Collectif de réflexion et d’initiatives citoyennes (Cric) de Mantes tient un stand d’information, et des militants antifascistes de Paris et de Lyon ont fait le trajet.