VIDEO. «Aujourd’hui, lyncher un Rom, c’est moins grave que de lyncher un chat»
AGRESSION•Un adolescent rom de 16 ans a été lynché pour des soupçons de vol à Pierrefitte (Seine-Saint-Denis). Il se trouve désormais à l’hôpital entre la vie et la mort...Enora Ollivier
Un fait divers atroce, et le débat autour de la stigmatisation des Roms resurgit. Le lynchage d’un adolescent rom de 16 ans à Pierrefitte (Seine-Saint-Denis), qui se trouve désormais à l’hôpital entre la vie et la mort, suscite un grand émoi dans le pays, en particulier chez les associations qui s’alarment de la banalisation du sentiment anti-rom.
Aujourd’hui, «les Roms sont déshumanisés», tonne Saimir Mile, le président de l’association La voix des Roms. Résultat, selon lui: dans l’opinion, «lyncher un Rom, c’est moins grave que lyncher un chat», référence à l’histoire de la bête projetée contre un mur qui avait ému le pays en février.
Les Roms stigmatisés par les politiques? (vidéo Maxime Deloffre)
«Un cocktail parfait pour que des tensions émergent»
L’agression intervient après plusieurs actes violents anti-rom: l’attaque à l’acide de matelas à Paris en janvier, l’incendie d’un camp à Marseille par des riverains, en septembre 2012.
Alors pour SOS Racisme, ce «passage à l’acte renvoie à la dégradation alarmante de l’image des citoyens Roms ou supposés Roms dans notre société». «66% des Français déclarent avoir une vision négative des Roms», selon une enquête publiée en avril, commente Dominique Sopo, le président de l’association. Une banalisation qui serait la «conséquence de discours publics violents, incitatifs», depuis «le discours de Grenoble de Nicolas Sarkozy en 2010 jusqu’aux propos de Manuel Valls», qui avait estimé en septembre 2013 que seule une minorité de Roms souhaitait s’intégrer en France.
«Lorsqu’on excite les populations en leur désignant des boucs émissaires, lorsqu’on clochardise ou qu’on laisse se clochardiser des personnes, on a un cocktail parfait pour que des tensions émergent», juge Dominique Sopo.
Pour un «contre-discours»
«La politique française a un problème avec les Roms», abonde Saimir Mile. Qui n’hésite pas à dénoncer les «mensonges» du maire socialiste de Pierrefitte sur le passé de délinquant de la jeune victime. «Et quand on lui demande sa réaction, il n’a pas un mot pour le jeune homme qui lutte pour sa vie à l’hôpital, il dit juste "je veux plus de moyens"», ajoute le responsable associatif.
Pour le président de SOS Racisme, la situation exige de la part des autorités un «contre-discours», qui aille au-delà de la condamnation. «La France et l’Europe doivent maintenant se demander comment faire des Roms des citoyens à part entière», estime-t-il.