Procès Bonnemaison : quand la mort divise une famille

Procès Bonnemaison : quand la mort divise une famille

La fille d'un patient dont la vie aurait été abrégée par ...
© 2014 AFP

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La fille d'un patient dont la vie aurait été abrégée par le Dr Nicolas Bonnemaison a souhaité lundi devant la cour d'assises à Pau que l'urgentiste, poursuivi pour sept empoisonnements de malades en fin de vie, soit acquitté, alors que son frère a quant à lui exigé des explications.

«Nous avons quitté mon père pour déjeuner. Il aurait dû ne pas nous laisser partir. Pourquoi ne nous a-t-il pas averti? J'attends une réponse», a demandé Yves Geffroy, le fils d'André, décédé le 24 février 2011 à l'âge de 92 ans, à Nicolas Bonnemaison, qui comparaît depuis le 11 juin devant les assises des Pyrénées-Atlantiques.

«Je souhaite qu'il soit acquitté et que la loi (sur la fin de vie, ndlr) soit révisée afin que les médecins n'en arrivent pas là», a en revanche déclaré sa soeur, Sylvie Geffroy.

«J'ai estimé qu'ils avaient accompagné leur père jusqu'au bout», a déclaré de son côté l'ancien médecin, qui depuis le début du procès assume pleinement ses actes et laisse entendre qu'il cherchait surtout à abréger des souffrances et à épargner les proches.

«Le souhait d'Yves Geffroy m'a échappé», a encore dit l'ex-urgentiste de l'unité d'hospitalisation de courte durée (UHCD) de l'hôpital de Bayonne où il est soupçonné d'avoir abrégé la vie de sept malades en 2010 et 2011.

Son père «était dans le coma. Il ne lui restait que quelques heures à vivre. Il s'étouffait. Je lui ai injecté une ampoule d'Hypnovel, puis 2 ou 3 milligrammes d'une deuxième ampoule d'Hypnovel pour être sûr qu'il ne souffrait plus psychiquement», a-t-il déclaré.

«Ce produit n'a pas pour objet de provoquer la mort, mais de lutter contre la souffrance», a t-il insisté.

La loi Leonetti sur la fin de vie, datant de 2005, autorise les sédations ayant pour but d'abréger les souffrances et pouvant entraîner la mort comme effet secondaire. Toutefois, elle les encadre en exigeant une concertation avec la famille et que la décision soit prise au sein d'une équipe médicale.

«Mon rôle est d'assumer, seul, jusqu'au bout, pour ne pas mettre l'équipe soignante en difficulté», a encore dit le docteur, évoquant «les dégâts que ça peut occasionner chez les soignants».

Mais une aide-soignante, Laurie Pebarthe, et une infirmière, Nathalie Bec, appelées à la barre, ont déploré que le Dr Bonnemaison n'ait jamais rien expliqué.

«Je regrette», a déploré le praticien. «Au-delà des regrets, ce sont des explications que nous aurions voulu», a rétorqué Nathalie Bec, infirmière. «Pourquoi n'avez vous pas demandé des explications au Dr Bonnemaison», lui aussi demandé Me Arnaud Dupin, avocat du docteur. «Je ne l'ai pas fait», a-t-elle reconnu.

Dans la matinée l'expert Charles Janbon (Montpellier) a pour sa part estimé que l'examen médical des patients concernés ne permettait pas, de son point de vue, de dire s'ils ressentaient des souffrances intolérables et considérant aussi que s'agissant de patients dans le coma, il était difficile d'affirmer, comme l'a fait le docteur, qu'ils étaient victimes de grandes souffrances psychiques.

En revanche, il a été affirmatif sur le fait que les patients étaient tous en fin de vie, à deux ou trois jours de la mort.

Nicolas Bonnemaison, âgé de 53 ans, est passible de la réclusion criminelle à perpétuité. Mardi, la cour entendra notamment le professeur Jean Leonetti, père de la loi éponyme, sur la portée de cette législation que certains jugent trop vague.

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