SOCIALIntermittents: Cinq questions pour comprendre la colère du monde du spectacle

Intermittents: Cinq questions pour comprendre la colère du monde du spectacle

SOCIALA la veille d'une nouvelle journée d'action ce lundi...
Armelle Le Goff

Armelle Le Goff

La crise des intermittents du spectacle perdure. Au cœur de la contestation un accord signé le 22 mars par le patronat et trois syndicats (CFDT, FO, CFTC), qui durcit les conditions d’indemnisation de plusieurs catégories de chômeurs, dont les intermittents. Il doit être agréé par le gouvernement d’ici au 30 juin.

La CGT, fer de lance du combat des intermittents contre cette réforme, demande au gouvernement de ne pas agréer l’accord. Ce lundi, les intermittents appellent à une nouvelle journée d’action nationale, avec rassemblement à Paris et grèves.

Qu’est-ce que le régime des intermittents?

C’est un régime dérogatoire qui concerne les artistes généralement, car être intermittent est un statut, pas un métier. Musiciens, comédiens, régisseurs ou encore techniciens sont éligibles à ce régime. Souvent employés de manière précaire, les intermittents bénéficient d’un système d’assurance chômage spécifique assurés par les annexes 8 et 10 de l’Unedic. Ce système permet de compenser la précarité des intermittents, dont le salaire médian annuel s’élève à 13.700 euros, contre 18.400 euros pour les salariés du secteur privé.

>> A lire par là La crise des intermittents du spectacle en cinq questions

Pourquoi l’accord du 22 mars suscite la colère du monde du spectacle?

Si l’accord ne convient pas aux professionnels du spectacle, c’est d’abord parce qu’il plafonne les indemnités à 5.475 euros brut par mois. Par ailleurs, des indemnités pourraient être versées en «différé» pour près de la moitié des concernés.

Ensuite l’accord prévoit l’augmentation de deux points des cotisations sociales des intermittents, soit une perte de salaire net de 0,8 %. Enfin le texte ne remet pas en cause le dispositif mis en place par la réforme de 2003 qui ne prend pas en compte l’ensemble des heures travaillées (notamment le temps de répétition).

Les intermittents sont-ils des précaires privilégiés?

Au cœur de la revendication du monde du spectacle, une précarisation vécue comme accrue par ses acteurs. Les nouvelles règles d’indemnisation introduites en 2003 ont rendu encore plus complexes la prise en compte des heures travaillées. Pour Mathieu Grégoire, sociologue du travail et spécialiste des intermittents du spectacle à qui il a consacré une thèse, les intermittents ne veulent pas plus d’argent, mais moins de précarité.

Chercheur au Curap (Centre universitaire de recherches administratives et politiques de Picardie), il rappelle aussi dans une interview au Nouvel Observateur que les professionnels du spectacle bénéficient d’un mode d’indemnisation adapté à leurs métiers où les contrats de travail ne durent parfois qu’une journée.

«Mais cela ne signifie pas que l’assurance chômage soit plus généreuse avec eux. Ainsi, que se passerait-il si l’on faisait basculer des chômeurs "classiques" dans ce régime soi-disant privilégié? On ferait d’importantes économies car les critères pour toucher des indemnités y sont plus stricts et celles-ci ne sont pas versées jusqu’à 2 ou 3 ans comme dans le régime général, conçu pour les salariés sortants d’un CDI ou d’un CDD.»

Quelles sont les propositions de réforme de l’accord du 22 mars?

Jean-Patrick Gille, le médiateur désigné le 7 juin, auteur d’un rapport parlementaire sur le régime des intermittents, propose de «faire contribuer davantage les intermittents les mieux insérés sur le marché du travail». Les revenus les plus élevés cotiseraient plus pour être moins indemnisés.

Le député propose également d’augmenter le nombre de spectacles vivants labellisés par le ministère de la Culture, ce qui permettrait d’améliorer le niveau de vie des plus bas salaires.

La Cour des comptes préconise la mise en place d’un taux de cotisation variable pour les employeurs. Ceux qui auraient le plus recours à des contrats d’intermittence cotiseraient davantage.

Enfin, la lutte contre les abus serait au cœur du dispositif pour enrayer le déficit du régime. En ligne de mire, les sociétés de production audiovisuelle, qui emploient à des postes réguliers des intermittents. Des «permittents» qui profitent du régime des professionnels du spectacle en cumulant salaires et indemnités. Un système qui arrange aussi leurs employeurs, qui versent des rémunérations plus basses.

Quelle est la position du gouvernement?

La ministre de la Culture Aurélie Filippetti a appelé samedi les partenaires sociaux à prendre leurs «responsabilités». «Ce qu’il faut rappeler, a déclaré la ministre, c’est que» la convention réformant le régime d’indemnisation chômage des intermittents «est un accord qui a été signé par les partenaires sociaux» de l’Unedic.

Face aux menaces qui pèsent sur les festivals de l’été et à la veille d’un nouveau rassemblement lundi à Paris, le gouvernement semble prêt à faire preuve de souplesse.

Ainsi, le ministre du Budget, Michel Sapin, a estimé dimanche lors d’une interview sur Europe 1, qu’il y avait des «avancées possibles» concernant la question des intermittents du spectacle.