Euthanasie: Le procès Bonnemaison relance le débat
JUSTICE•L'ancien urgentiste à l’hôpital de Bayonne, comparaît devant la cour d’assises des Pyrénées-Atlantiques à Pau pour empoisonnement...Anissa Boumediene
Il avait estimé devoir «mettre fin à leurs souffrances». Nicolas Bonnemaison, ancien urgentiste à l’hôpital de Bayonne, comparaît dès ce mercredi devant la cour d’assises des Pyrénées-Atlantiques à Pau pour empoisonnement. Accusé d’avoir mortellement empoisonné sept patients en fin de vie entre mars 2010 et juillet 2011, il est dénoncé en août 2011 par des infirmières et une aide-soignante de son service. Radié par le Conseil de l’Ordre des médecins, il assume ses actes et explique avoir «fait preuve de compassion afin de préserver la dignité des patients».
La justice accuse Nicolas Bonnemaison d’avoir agi en dehors du cadre de la loi Leonetti sur la fin de vie, qui proscrit «l’obstination déraisonnable» et permet au médecin d’administrer au patient une dose de soins palliatifs pouvant avoir pour effet secondaire d’abréger sa vie. A la condition d’en avertir le patient ou sa famille, et en accord avec d’autres médecins. Or, le Dr Bonnemaison a agi seul, sans avertir personne.
Un débat récurrent
En 2003 déjà, l’affaire Vincent Humbert avait suscité l’émoi. Le jeune homme, victime d’un accident de la route l’ayant laissé aveugle, muet et tétraplégique, invoquait son «droit à mourir». Sa mère, aidée de son médecin, abrégeait finalement ses souffrances avant de bénéficier d’un non-lieu.
Onze ans plus tard, la justice refuse ce droit à Vincent Lambert, un patient tétraplégique en état végétatif depuis plusieurs années, et relance le débat sur la fin de vie. Le 20 juin prochain, le Conseil d’Etat rendra sa décision concernant l’interruption de ses traitements. Une expertise indépendante a confirmé l’état incurable du patient. Une décision qui fera peut-être jurisprudence, alors que le gouvernement souhaite faire évoluer la législation en matière de fin de vie.
Vers une modification de la loi Leonetti
François Hollande s’est dit en faveur d’une «assistance médicalisée pour terminer sa vie en dignité». C’était même l’une de ses promesses de campagne. Les mots «euthanasie» ou «suicide assisté» n’ont jamais été prononcés, mais en janvier dernier, le chef de l’Etat relançait le débat sur la fin de vie, se prononçant pour une loi qui permettrait à une personne atteinte d’une maladie incurable de demander, dans un cadre «strict», une «assistance médicalisée pour terminer sa vie en dignité». Ce serait la première réforme majeure depuis la loi Leonetti, qui limitait l’acharnement thérapeutique.
De nombreux médecins ont témoigné leur soutien à Nicolas Bonnemaison. Une pétition en sa faveur a même recueilli 60.000 signatures. Au terme de son procès, auquel il comparaîtra libre, l’ancien médecin encourt la réclusion criminelle à perpétuité.