SOCIETECes femmes qui ne veulent pas d’enfant, un choix encore tabou

Ces femmes qui ne veulent pas d’enfant, un choix encore tabou

SOCIETEA l’occasion de la Fête des mères ce dimanche, «20 Minutes» se penche sur les 4,3% des Françaises qui déclarent ne pas vouloir d’enfant, selon l’Ined. Un choix encore mal perçu…
Faustine Vincent

Faustine Vincent

Avoir des enfants n’est pas un passage obligé dans la vie d’une femme. En France, 4,3 % des femmes déclarent ne pas en vouloir (et 6,3 % des hommes), selon une étude de l’Ined. Leur choix reste pourtant mal perçu.

Emilie Devienne, auteur d'Etre femme sans être mère (Ed. Robert Laffont), est l’une des premières à avoir écrit là-dessus. A l’époque, elle avait eu du mal à trouver un éditeur. «On me disait qu’il n’était pas question de toucher à la famille, ou on pensait que j’étais lesbienne», se souvient-elle. Huit ans plus tard, la parution d’autres ouvrages ou d’études et leur médiatisation croissante «a libéré une parole, mais cela reste un sujet tabou».

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Critiques et préjugés

Rares sont celles qui acceptent de témoigner, encore moins à visage découvert. Les critiques et préjugés dont ces femmes font l’objet sont encore trop nombreux pour qu’elles se sentent libres de revendiquer leur choix. «On les accuse d’être égoïstes, bizarres, volages, ou encore d’avoir peur d’abîmer leur corps», détaille Emilie Devienne, qui a elle-même choisi de ne pas faire d’enfant.

L’entourage essaye aussi souvent de les faire changer d’avis, de les convaincre qu’elles ont un problème psychologique, un traumatisme, qu’elles vont le regretter, ou que c’est parce qu’elles n’ont «pas trouvé le bon». Les remarques viennent plus souvent de la part des femmes elles-mêmes. «On peut être heureuse sans enfant, mais aujourd’hui encore, ce choix est toujours très mal accepté, même s’il semble moins irreprésentable qu’avant», renchérit Geneviève Serre, psychiatre et auteur de l’étude «Les femmes sans ombre ou la dette impossible».

Stabilité du nombre de femmes ne voulant pas d’enfant

Les rares enquêtes sociologiques montrent que le nombre de femmes déclarant ne pas vouloir d’enfant n’a pas bougé depuis vingt ans. Cette stabilité «rappell [e] que l’arrivée d’un premier enfant fait toujours partie du parcours conjugal attendu […], l’absence d’enfant pouvant renvoyer à un dysfonctionnement (médical ou affectif) au sein du couple stable», notent les auteurs de la dernière étude de l’Ined parue en février, «Rester sans enfant: un choix de vie à contre-courant».

«Revendiquer ce choix est difficile car le désir d’enfant, très partagé, reste une évidence, explique Charlotte Debest, co-auteur de l’enquête. Dire qu’on n’en veut pas interroge le désir d’enfant des autres: ont-ils vraiment voulu en avoir? Malgré toutes les avancées hommes-femmes, on associe les femmes à la maternité». Oser dire que l’on ne souhaite pas devenir mère semble encore plus difficile en France, où le taux de fécondité est le plus élevé de l’Union européenne malgré la crise, et où l’Etat récompense les parents de famille nombreuse par une médaille.

Moins de pressions après 35 ans

Le milieu social joue-t-il dans la façon dont est perçu leur choix? «En tout cas, plus on est diplômé, plus on va réussir à se valoriser autrement que par la maternité, répond Charlotte Debest. L’enfant est une façon d’avoir un statut social. Donc si on n’a pas de diplôme ou de travail, ce sera plus difficile, sans enfant, de se sentir valorisée».

Les remarques, pressions et questions connaissent un pic entre 25 et 35 ans, avant de s’estomper. «Passé 35 ans, l’entourage se demande si c’est un choix ou si c’est subi, explique Charlotte Debest. Le sujet devient tabou parce qu’on ne sait pas si la femme en souffre». Un nouveau tabou, socialement mieux accepté, vient remplacer l’ancien.