SOCIÉTÉEducation: Pourquoi la fessée n'est (pas encore) interdite en France?

Education: Pourquoi la fessée n'est (pas encore) interdite en France?

SOCIÉTÉMais elle pourrait l'être d'ici l'automne via un amendement déposé sur un texte sur la maltraitance...
Maud Pierron

Maud Pierron

L’amendement anti-fessée, ce sera pour une autre fois. Le député écologiste François-Michel Lambert, qui l’avait déposé lundi sur le projet de loi Famille, a décidé de le retirer sur demande du gouvernement. «Il y a eu un remaniement, j’ai un peu pris la nouvelle ministre de la Famille, Laurence Rossignol, de court. Elle s’est engagée à ce qu’il soit examiné lors de la loi sur la maltraitance des enfants, à l’automne», a-t-il expliqué à 20 Minutes. Lui veut «lancer un signal à la société pour changer de modèle d’éducation» et pour cela, préfère travailler avec le gouvernement et même la droite pour «une acceptation large» de ce texte.

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Plus de 80% des parents opposés à une législation fessée

Mais ce nouveau contretemps n’est pas une grosse surprise en France tant les résistances semblent fortes sur le sujet alors qu’en Europe, 23 pays sur 28 ont déjà légiféré. D’après une étude TNS Sofres datant de 2009, 67 % des parents ont déjà eu recours à la fessée (46 % de manière exceptionnelle, 19 % de «temps en temps», 2 % souvent). Une pratique vue de manière favorable plutôt chez les sympathisants de droite (60 %), les ouvriers (51 %) et les hommes (51 %) alors que les anti-fessés se trouvent plutôt chez les sympathisants de gauche (60 %), les cadres (61 %) et les femmes (58 %). Mais il y a une unanimité sur un point: 81 % des parents sont opposés à une législation en la matière.

«Il faut casser les codes de la société, nous politique, on est là pour ça», promet François-Michel Lambert qui dresse un parallèle «toutes proportions gardées» avec la loi sur l’IVG. «Interdire la fessée, ça a été impopulaire partout. Les lois dans les autres pays comme la Suède ont toujours été votées contre l’opinion publique avant que ce ne soit accepté», avance le docteur Olivier Maurel, président de l’Observatoire de la violence éducative (OVEO). En France, ajoute-t-il, «on a tendance à considérer qu’une ‘bonne petite fessée’, c’est un geste éducatif, on nie ou minimise les punitions corporelles».

«C’est surtout qu’en France, on estime que le chef de famille doit rester maître chez lui et personne, surtout pas l’Etat ne doit s’en mêler», analyse le Dr Jacqueline Cornet, présidente de l’association Ni claques ni fessées. «Ça vient du code napoléonien et du pater familias qui a tous les droits, abonde le pédopsychiatre Gilles-Marie Valet. On a dû mal à se détacher de ce concept archaïque où le droit corporel est un outil éducatif», regrette l’auteur de Se faire obéir sans forcément punir, qui explique comment «on peut élever un enfant sans avoir recours à la fessée», insiste-t-il.

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«Il n’est pas question de sanctionner mais d’expliquer, de convaincre, que la fessée n’est pas un geste éducatif», explique François Michel-Lambert qui a lui-même évolué sur la question ces dernières années. «On me dit qu’on empiète sur la sphère privée mais il y a cinquante ans, quand on voulait interdire à un homme de battre sa femme, on disait aussi que ça relevait de la sphère privée», argumente-t-il.

«Une bonne fessée, ça purge»

Pour Gilles-Marie Valet, introduire cet amendement dans une loi maltraitance des enfants plutôt que famille relève de «considérations politiques voire politiciennes» pour montrer que «l’Etat ne s’immisce pas dans la famille, la sphère privée». Logique, juge Jacqueline Cornet, vu le contexte sulfureux autour du thème de la famille, «le gouvernement n’a pas envie de s’y frotter à nouveau», même si le député EELV jure que «le contexte n’a absolument pas pesé».

>>Lire l’interview de Gilles-Marie Valet par ici

«Mais la fessée n’est pas une maltraitance!, s’étrangle Marcilhacy, porte-parole de l’Union des Familles en Europe. Qu’ils nous foutent la paix sur les sujets de société, qu’ils arrêtent de vouloir dicter la conduite des parents, les politiques feraient mieux de s’occuper de vrais sujets!». Pour cette ardente défenseuse de cette pratique comme «moyen éducatif» car «une bonne fessée, ça purge, les parents, parce que ça fait du bien et les enfants, parce qu’ils comprennent qu’ils ont fait quelque chose de mal», explique cette adepte du «chacun fait comme il veut», étude à la clé. Et, insiste-t-elle, il existe déjà un arsenal législatif pour punir les maltraitances physiques sur les enfants, citant l’exemple de ce père de famille condamné à 500 euros d’amende avec sursis pour une fessée en 2013.