Il a commencé avec Giscard. Et ne s’est plus arrêté depuis. Patrick 61 ans, écrit au Président comme on se plaint à son mec, sa collègue ou son voisin. «Je m’autorise à dire ce que je pense», argue cet internaute, avec une spontanéité déconcertante. Dans un classeur épais comme celui d’un élève de classe prépa en fin d’année, il compile toutes les réponses. Incapable de quantifier le nombre de ses missives. «J’écris chaque fois que j’ai quelque chose à dire, nous répond-il simplement, ou qu’on me le demande».

«Les réponses de Mitterrand sur du papier bleu sont les plus belles»

Délégué du personnel toute sa carrière -qui prend fin en juin- et représentant d’une amicale de locataire, Patrick prend aussi la parole pour les autres, «mon côté Jeanne d’Arc, ponctue-t-il. Ils savent que Patrick va oser.» Dysfonctionnements de Pôle Emploi, petites retraites, loyers élevés et bien sûr chômage. «J’ai perdu mon job à cause de Sarkozy, juge-t-il, à 56 ans, donc sans espoir de retrouver un travail.» En réponse, il a fait parvenir à Carla Bruni -partant du principe que c’est elle qui fait son éducation cinématographique- un DVD de Mr. Smith au Sénat de Frank Capra, «pour lui montrer ce qu’est l’engagement en politique». Aucune réponse, comme souvent.

Seul François Mitterrand aurait répondu à toutes ses lettres, «sur du papier bleu, ce sont les plus belles», s’émeut-il. Alors qu’il nous envoie plusieurs exemplaires de réponses de l’Elysée, celles-là demeurent «trop personnelles» pour les diffuser. Que lui disent les chefs d’Etat dans ses lettres? Des banalités, la plupart du temps. Des dérobades comme celle de Rama Yade sous le fameux «ce n’est pas de mon ressort». Voire de l’absurde qui se résume à du «je vous écris pour vous dire que je vous écris» décrit-il agacé.

«Peut-être qu’un jour François Hollande va m’appeler pour aller prendre un café»

Et puis il y a eu Valérie Giscard d’Estaing, quand Patrick avait à peine 20 ans. «Ça a été magnifique», souffle-t-il. Au chômage et sans logement après un déménagement, il écrit au Président. Peu de temps après, c’est le directeur de l’A.N.P.E de Nice qui le contacte. «J’ai reçu un courrier de l’Elysée», lui aurait-il annoncé au téléphone. Reçu en grandes pompes, Patrick a eu satisfaction rapidement.

Début février 2014, après 40 ans d’échanges postaux, l’Elysée semble avoir tout de même distingué ce citoyen zélé. «Une réponse précisait qu’ils avaient bien reçu mon «nouveau courrier», s’étonne-t-il, ils ont peut-être un dossier Patrick J. Qui sait, peut-être qu’un jour François Hollande va m’appeler pour aller prendre un café.» Dans tous les cas, Patrick, qui a écrit au Président pour le féliciter après son élection en 2012… puis pour l’accabler après les législatives, a déjà son argumentaire.