FAITS DIVERSSoupçons de viol au «36»: Ces pratiques au sein de la PJ que l'administration ne voudrait plus voir

Soupçons de viol au «36»: Ces pratiques au sein de la PJ que l'administration ne voudrait plus voir

FAITS DIVERSL’affaire de la touriste canadienne met en lumière le fonctionnement «en vase clos» de la police judiciaire…
William Molinié

William Molinié

Non, toutes les soirées arrosées de policiers ne se transforment pas en agressions sexuelles. Mais viol ou pas viol –la justice le déterminera, l’administration policière a réagi avec sévérité à l’encontre des trois fonctionnaires qui ont été suspendus après avoir été mis en cause dans l’affaire de viol présumé qui a éclaboussé le prestigieux «36, Quai des Orfèvres» ce week-end. «Le ministre de l’Intérieur n’a pas attendu les conclusions pour s’exprimer publiquement. Il a très rapidement dénoncé des comportements inacceptables», insiste-t-on Place Beauvau.



Quelles que soient les conclusions de l’enquête pénale, certains faits établis sont, d’un point de vue administratif, lourdement condamnables. «Qu’ils soient revenus dans leur service est déjà une erreur», indique un policier. De surcroit, ils ont fait entrer en état d’ébriété une personne étrangère aux services au sein du «36». «Imaginez un instant que ce soit un terroriste qui en profite pour déposer une bombe dans les bureaux…» souffle un fonctionnaire.

Soirées alcoolisées après une belle affaire

Des pratiques jugées «ancestrales» sont remises en cause aujourd’hui par ces débordements. «Il y a certaines façons d’être ensemble que l’administration essaie de casser. C’est dommage car c’est cela qui soude les groupes», regrette un habitué du «36». Ces «certaines façons d’être ensemble», ce sont les soirées alcoolisées après l’arrestation d’un gros caïd, ou la résolution d’une enquête difficile. «Systématiquement, le champagne est sabré quand une belle affaire est bouclée. C’est une tradition qui permet de souder les groupes», poursuit cette source.

Des traditions qui ont parfois dérapé. Le spécialiste canadien des affaires policières, Stéphane Berthomet, croit savoir que des «dérapages et autres mauvais comportements ont parfois même été couverts par la hiérarchie qui cherche avant tout à éviter que l’image du fameux “36” ne soit écorchée à l’occasion de telles soirées». Selon lui, «à force de laisser se produire des manquements à la bonne conduite et aux règles administratives, la haute hiérarchie de ces services n’est pas sans responsabilité face aux dérapages qui peuvent survenir ensuite».

Bientôt des notes de service?

De leur côté, les policiers blogueurs connus sous les noms de «Chris» et «Kaptain Flam» imaginent, avec ironie, «les notes qui vont sortir, un peu partout dans les services».

«Principe de précaution oblige, il sera rappelé que les services de police n’ont pas vocation à accueillir les personnes étrangères au dit service. Ces notes seront ponctuées des habituels rappels quant à l’usage d’alcool dans, et hors des services, avec des “tous les manquements se verront dûment sanctionnés”», écrivent-ils sur «PJ en capitale». Attention, disent-ils, à ne pas punir «plusieurs milliers de personnes» pour «une faute (aussi lourde soit-elle) commise.

Mauvaise image jetée sur l’ensemble de la profession

Le coup de gueule du patron du «36», Bernard Petit, ne fait pas de doute sur sa détermination. «Ces policiers n’ont pas leur place […] à la police judiciaire», a-t-il indiqué sur Europe 1. Au-delà de cette réponse radicale à la hauteur de la mauvaise image jetée sur l’ensemble de la profession, Bernard Petit, mis en place par Manuel Valls, a comme feuille de route de tenter d’ouvrir la police judiciaire vers l’extérieur et notamment les autres services. «Le temps viendra où il faudra réformer la police judiciaire», nous confiait il y a quelques semaines un haut responsable policier de la préfecture de police.



«Le 36 travaille en vase clos. Ils ont des techniques et des façons de bosser bien à eux. Et ils sont parfois “borderline”…» rapporte un autre connaisseur de la «maison». Selon lui, la hiérarchie a du mal à y pénétrer et ne sait pas réellement ce qui s’y passe.

«Quand tu es au 36, tu manges 36, tu dors 36, tu vis 36. Pour se faire accepter, il faut y comprendre les codes et apprendre le même langage, détaille un policier. On ne peut pas demander à des flics qui arrêtent des grands voyous d’avancer comme des fonctionnaires.»