SOCIETELa rue sans relou, c’est possible?

La rue sans relou, c’est possible?

SOCIETELe collectif Stop au harcèlement de rue tente de sensibiliser pour lutter contre ce phénomène…
Oihana Gabriel

Oihana Gabriel

Depuis des mois, la Toile bruisse de critiques des «hey salope» et des «tu veux mon numéro?» plaies du quotidien de beaucoup de femmes. Ce vendredi, place à l’action. A 18h, une rue tout près de Bastille dans le 11e arrondissement de Paris s’affichera «sans relous». Un slogan cocasse pour une question de fond. Le collectif mixte Stop harcèlement de rue, lancé en février, tente ainsi de sensibiliser le public à ces remarques déplaisantes, regards déplacés et autres insultes sexistes au quotidien.


Des messages dans les bars

«On va donner des conseils aux passants sur comment réagir, les inviter à écrire sur le sol la date de leur dernier harcèlement, distribuer un manuel de survie en zone urbaine», précise Héloïse Duchet, fondatrice du collectif. «L’idée, c’est de faire descendre dans la rue une dénonciation visible uniquement sur Internet et dans les médias. On a mis en place des groupes de travail en fonction des lieux: transports, rue, festivals, bars.» Une vingtaine de bars parisiens vont ainsi afficher sur leurs sous-bocks et murs ces messages pour une chasse aux relous.

C’est quoi au fait un «relou»? Pour Héloïse, «c’est celui qui insiste lorsqu’on dit non, en détournant le regard, en gardant le silence ou en refusant l’invitation. Mettre son interlocuteur dans une situation de peur et d’angoisse, c’est le contraire de la drague… Un compliment implique une réciprocité.» Mais elle avoue qu’une part de subjectivité intervient: un «t’es jolie» est reçu comme un commentaire déplaisant pour une femme, un hommage pour une autre.

Comment définir le harcèlement de rue?

Claude Katz, avocat spécialisé dans le harcèlement, voit plutôt d’un bon œil ce genre d’initiative. «Peut-être qu’une campagne de sensibilisation sur ce harcèlement de rue sera efficace pour encourager les victimes à porter plainte et rappeler aux harceleurs que c’est inadmissible.»

Et l’avocat de souligner qu’aujourd’hui, la répression du harcèlement de rue se heurte à divers obstacles. Seul le harcèlement sexuel est puni par la loi et il n’est pas facile de le qualifier. Exemple: si un homme propose à une femme de boire un café dans un bar, ça relève de la séduction, donc ce n’est pas réprimable. En revanche, «s’il réitère ses propos de façon insistante, on rentre dans le harcèlement sexuel», analyse Claude Katz. En effet, la question de la répétition est primordiale dans la définition du harcèlement sexuel. Mais attention, il faut que ces propos proviennent d’un même auteur. «Si dix individus interpellent une personne, elle ne peut porter plainte car la responsabilité collective n’est pas reconnue dans le droit pénal», précise l’avocat. Autre frein important, «il est très difficile d’obtenir l’identité de la personne qui harcèle.» Depuis la promulgation sur le harcèlement sexuel en août 2012, seulement 10 condamnations ont été prononcées.

Mais plutôt qu’une réponse répressive, la ministre des Droits des femmes Najat Vallaud-Belkacem mise sur l’éducation, via l’ABCD de l’égalité notamment.



«On ne va pas attendre que les enfants de 8 ans soient éduqués à la mixité, réagit Héloïse Duchet. Il faut changer les mentalités des adultes dès maintenant. Pour que les femmes, les homosexuels, les transsexuels puissent se balader en toute liberté.»

>> TÉMOIGNAGES - Mesdames, que pensez-vous de l'instauration de «zones anti relous»? D'après votre vécu, que qualifiriez-vous de drague? Qu'est-ce qui constitue le harcèlement? Dans la rue, quand un homme vous aborde, où commence l'agression? Réagissez dans les commentaires ou écrivez-nous à [email protected].

A l'étranger, un sujet d'actualité aussi

Il n’y a pas qu’en France que le sujet fait couler de l’encre. A Bruxelles, celui qui importune une femme risque une amende de 250 euros. Au Chili c’est un Observatoire contre le harcèlement de rue qui tente de faire la chasse au machisme. «Au Québec, le harcèlement de rue est quasiment inexistant notamment parce que des mouvements féministes se sont attaqués à la question, à la différence de la France, explique Héloïse du collectif Harcèlement de rue. Dans les pays germanophones sont nées les techniques d’autodéfense encore confidentielles et taxées de pratiques de "coupeuses de cravate" en France.» A Londres, les techniques de sensibilisation se rapprochent de l’opération «zone sans relous»: ainsi, la campagne Good Night Out diffuse des affiches dans certains bars encourageant les fêtards à solliciter un salarié s’il se sent mal à l’aise…