Thomas Ostermeier monte «La Vipère», un «Dallas» avant l'heure, à Sceaux

Thomas Ostermeier monte «La Vipère», un «Dallas» avant l'heure, à Sceaux

L'Allemand Thomas Ostermeier met en scène à Sceaux avec un ...
© 2014 AFP

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L'Allemand Thomas Ostermeier met en scène à Sceaux avec un sens du suspense haletant «La Vipère», un huis clos familial impitoyable à la «Dallas», écrit en 1939 par l'Américaine Lillian Hellman, une des rares femmes à s'être imposée dans le monde littéraire américain à l'époque.

«La Vipère» (The Little Foxes) fut le plus grand succès de cette écrivain et journaliste engagée, persécutée aux Etats-Unis pour son adhésion au parti communiste et son travail de reporter pendant la guerre civile espagnole. La pièce a même été adaptée au cinéma par William Wyler, avec Bette Davis, en 1941.

L'argent, qui corrompt les âmes et peut mener jusqu'au meurtre au sein même d'une famille, la brutalité de la société matérialiste, la cupidité sont au coeur de ce drame familial bourgeois.

Deux frères, entrepreneurs sans scrupules, veulent se lancer dans une affaire juteuse avec un partenaire new-yorkais. Mais ils ont besoin de l'argent de leur beau-frère et comptent sur leur soeur Regina pour emporter l'accord de son mari. C'est elle, «la vipère», qui manipule en sous-main ce mari qu'elle méprise, prête à tout pour gagner enfin son indépendance, loin de tous, à New York. Vipère, ou victime d'une société qui étouffe les femmes, les prive de toute autonomie?

- Mise en scène cinématographique -

La pièce offre une magnifique galerie de portraits de femmes, de «la vipère», Regina, à la fantasque Birdie, humiliée par une brute de mari, qui noie son chagrin dans l'alcool, ou à la jeune Alexandra, qui découvre peu à peu les abysses de cruauté de sa famille.

Thomas Ostermeier réussit une mise en scène quasi cinématographique: un plateau tournant met les acteurs en mouvement, la tension monte peu à peu, l'atmosphère se fait étouffante, les lumières découpent l'espace au scalpel comme dans un film de Hitchock.

Deux heures d'un lourd suspense happent l'attention du spectateur, deux heures de silences opaques et d'échanges vipérins où la violence menace à tout moment d'exploser, comme dans la gifle retentissante que son mari inflige à la naïve Birdie.

Thomas Ostermeier, un des metteurs en scène les plus brillants de sa génération, est hanté par le thème de la famille, qu'il décrit souvent à travers les pièces d'Enrik Ibsen («Les Revenants», «Nora» d'après «Une maison de poupée», «John Gabriel Borkman», «Un Ennemi du peuple»...).

Lui-même a grandi dans la petite bourgeoisie bavaroise, sous la férule d'un père violent.

Les acteurs de la «Schaubühne», cette célèbre troupe de théâtre de Berlin dirigée par Ostermeier depuis 1999 servent la pièce avec une intensité remarquable, suggérant d'une expression du visage toute les nuances de leurs sentiments.

«La Vipère» se clôt sur le triomphe de Regina, enfin maîtresse de son sort, et sur sa défaite: sa propre fille la renie, elle est seule, elle le sait.

Spectacle en allemand surtitré. «La Vipère (The Little Foxes)», jusqu'au 6 avril Théâtre Les Gémeaux, Sceaux.

: http://www.lesgemeaux.com/spectacles/the-little-foxes-la-vipere/

Site du théatre