Affaire Le Roux: les méandres de la vie de Maurice Agnelet
Maurice Agnelet a retracé mardi devant les assises d'Ille-et-Vilaine ...© 2014 AFP
Maurice Agnelet a retracé mardi devant les assises d'Ille-et-Vilaine les contours d'une vie sinueuse, de Monaco à l'exil au Panama, durant laquelle il n'a jamais cessé de devoir répondre aux soupçons d'assassinat en 1977 de sa maîtresse Agnès Le Roux, crime qu'il a toujours nié.
«Etre soupçonné depuis 37 ans d'être un assassin, il faut avoir les épaules solides», a déclaré cet homme de 76 ans, tout de noir vêtu, au 2è jour de son 3è procès d'assises dans ce dossier.
Héritière du casino du Palais de la Méditerranée à Nice, en pleine «guerre des tapis verts», Agnès le Roux a disparu à la Toussaint 1977, à l'âge de 29 ans.
Placé en garde à vue en 1978, acquitté en 2006 puis condamné en appel à 20 ans de réclusion criminelle, Maurice Agnelet, qui a vu sa peine suspendue, a déroulé une nouvelle fois le fil de son existence mardi.
Volubile mais peu précis, la voix chevrotante mais énergique, le septuagénaire, qui comparaît libre, a expliqué avoir appris à s'«adapter» au cours d'une enfance marquée par le manque d'affection de ses parents, petits commerçants établis à Monaco, dont le manque d'amour a selon lui causé le suicide de son frère aîné en 1961.
Assoiffé de reconnaisance, Maurice Agnelet entre en franc-maçonnerie «à l'âge de 18 ans», devient avocat sans être passionné par ce métier et multiplie les engagements associatifs, notamment à la Ligue des droits de l'Homme, créant sa propre loge et accédant au grade de «très illustre» du Grand Orient de France.
Marié et père de trois fils, il multiplie les relations amoureuses. Sans complexe: «J'avais plusieurs liaisons à la fois, mais elles étaient toutes au courant de ce qui se passait. Je ne les trompais pas».
C'est ansi qu'il se lie avec la riche Agnès Le Roux, quand celle-ci, elle-même en instance de divorce, s'établit à Nice.
Considéré comme un simple «témoin» à l'issue de sa garde à vue, Maurice Agnelet voit sa vie basculer une première fois en 1978, quand il est radié de l'ordre de avocats pour des pratiques financières douteuses. Il est également exclu de la franc-maçonnerie.
- Rattrapé par l'affaire -
Divorcé depuis 1976, il contracte alors un mariage blanc avec une Canadienne pour s'établir au Québec. A la barre, l'accusé assume totalement le procédé. «Lors de la cérémonie, quand le maire nous a dit qu'on pouvait s'embrasser, on s'est regardés tout étonnés», s'amuse-t-il.
Il divorce rapidement pour épouser une maîtresse de longue date, Françoise Lausseure, qui devient ainsi sa troisième épouse.
Rattrapé par l'affaire Le Roux, un mandat d'arrêt étant émis à son encontre, il rentre en France «volontairement» en 1983. Incarcéré deux mois, il bénéficie d'un non-lieu en 1985.
De 1986 à 1988, il purge cependant une peine de deux ans de prison pour abus de confiance et complicité d'achat de vote lors de la prise de contrôle du Palais de la Méditerranée par un concurrent de la famille Le Roux, Jean-Dominique Fratoni, un proche.
A sa sortie, il se retrouve à la rue. «J'étais hébergé un an, un an et demi en foyer social, chez les clochards. C'était une belle expérience», explique Maurice Agnelet sans ironie.
Après avoir hérité de ses parents en 1995, notamment d'un appartement à Monaco, il «rencontre un type admirable, Ramon Lima, avocat au Panama», et émigre dans ce pays où il fait fructifier son capital. En 2000, à sa nouvelle mise en examen, il revient à nouveau en France de son propre chef.
Condamné en 2007, il effectue plus de cinq ans de prison avant d'être relâché à la suite d'un arrêt de la Cour européenne des droits de l'Homme, qui estime qu'il n'a pas bénéficié d'un procès équitable.
«Mille-neuf-cent-trente-huit jours, c'est facile à retenir, c'est mon année de naissance», relève le septuagénaire, beaucoup moins précis sur ses finances.
«C'est un grand séducteur et un grand manipulateur», a affirmé à la barre Patricia Le Roux, soeur aînée d'Agnès, partie civile, décrivant également quelqu'un de très intéressé par les affaires de la famille et aimant «se poser en victime».