Pourquoi Valls et Taubira ne pouvaient pas ignorer l’existence des écoutes de Sarkozy
JUSTICE – Dans la pratique comme dans les textes, les informations «sensibles» doivent systématiquement être remontées aux ministres de référence…Vincent Vantighem (avec W.M)
«C’est la règle…» En trois petits mots prononcés sur les ondes d’Europe 1, François Falletti, le procureur général de Paris, a confirmé ce mercredi, avoir averti, le 26 février, la Chancellerie de l’existence d’écoutes téléphoniques visant Nicolas Sarkozy et son avocat, Thierry Herzog.
François Falletti : " J'ai informé Christiane... par Europe1fr
Se faisant, le magistrat a enfoncé un peu plus Christiane Taubira prise en flagrant délit de mensonge. Sur TF1, lundi soir, la ministre de la Justice avait en effet assuré ne pas avoir été informée de l’existence de ces écoutes avant de lire l’édition du Monde du 7 mars.
La circulaire Taubira du 31 janvier
Si le mélange des genres entre le monde politique et le judiciaire peut surprendre le grand public, il n’a pourtant rien d’inhabituel. «C’est la règle concernant ce type de dossier», confie François Falletti toujours sur Europe 1 parlant même d’une «pratique décennale». Une pratique que Christiane Taubira, elle-même, a gravé dans le marbre d’une circulaire qui date du 31 janvier 2014.
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Transmise aux parquets de toute la France, cette circulaire faisait mention de la nécessité de faire remonter toutes les affaires dites «sensibles» jusqu’à elle. On peut imaginer que la mise sur écoutes d’un ancien président de la République puisse être considérée comme une affaire «sensible».
Valls assure l’avoir appris dans la presse
«Le 26 février 2014, il y a eu un rapport d’information qui est remonté auprès de la direction des affaires criminelles et des grâces, comme c’est la règle concernant…» ce type de dossier, a donc rappelé François Falletti. Dans cette affaire, la seule question qui vaille le coup d’être posé est: pourquoi Christiane Taubira a-t-elle prétendu n’avoir pas été informé de ces écoutes?
Cette question vaut également pour Manuel Valls. Le ministre de l’Intérieur, sur les ondes de RTL ce mercredi, a également assuré avoir «découvert» l’affaire des écoutes téléphoniques en lisant Le Monde. Là encore, l’affirmation du ministre suscite beaucoup d’interrogations.
Une pratique usuelle à droite comme à gauche
«J’imagine mal qu’il n’a pas été informé, attaque d’emblée Frédéric Lagache, secrétaire général adjoint du syndicat de policiers Alliance (classé à droite). Tout simplement parce que c’est la pratique usuelle. Elle existe depuis qu’existe la police. Que le gouvernement soit de droite ou de gauche!»
Le circuit est connu. Si le juge d’instruction ordonne des écoutes, ce sont les policiers qui les mettent en place. S’ils en rendent compte au juge, ils en informent également leur autorité de tutelle à partir du moment où le sujet est «sensible». «Ensuite l’autorité transmet à son chef et l’information remonte jusqu’au cabinet du ministre et jusqu’au ministre», assure le syndicaliste. Pire, un officier de police judiciaire qui omettrait de faire remonter une information importante pourrait être critiqué pour son manque de loyauté à l’égard de son ministre de tutelle.
Le Directeur de la PJ n'a pas informé Valls
Manuel Valls n’aurait donc pas été informé? «Soit il ment, soit il y a eu un dysfonctionnement dans la remontée de l’information, conclut donc Frédéric Lagache. Et s’il y a un dysfonctionnement, cela mérite une enquête administrative, voire des sanctions.»
Un dysfonctionnement? Christian Lothion ne le voit pas forcèment de cet œil là. L'ancien patron de la Direction centrale de la police judiciaire jusqu'en janvier a affirmé, ce mercredi matin à l'AFP, qu'il avait été bien «informé du placement sur écoute de Nicolas Sarkozy». Mais ce dernier a considéré qu'il n'avait «pas à informer le ministre de l'Intérieur, ni du placement sur écoute, ni du contenu des transcriptions».