Tourisme: «Avec la forte augmentation du chômage, beaucoup de Français ne peuvent plus se permettre de partir en vacances»
INTERVIEW•Didier Arino, directeur du cabinet Protourisme explique pourquoi les Français ne sont jamais aussi peu partis en vacancs depuis 15 ans...Propos recueillis par Delphine Bancaud
Deux millions et demi de Français ont renoncé à s’offrir des vacances ou des courts séjours payants l’an dernier et seuls 41 % des Français sont partis, ce qui constitue une baisse de 4 points sur un an et le taux le plus bas depuis 15 ans, selon une étude réalisée par Protourisme, dévoilée aujourd’hui. Une nouvelle donne qu’analyse Didier Arino, le directeur du cabinet d’études spécialisé dans le tourisme.
Comment expliquez-vous la forte augmentation l’an dernier du nombre de personnes ayant renoncé aux vacances?
Les Français ont été touchés par la crise plus tardivement que leurs voisins européens car l’airbag social a bien fonctionné dans notre pays. Jusqu’à l’an dernier, ils ont tout fait pour préserver leurs vacances. Mais avec la forte augmentation du chômage, beaucoup d’entre eux ne peuvent plus se permettre de partir. D’autant que le coût de l’immobilier a flambé ces dernières années dans les grandes villes. Les retraités qui partaient beaucoup sont eux aussi moins enclins à le faire car leur pouvoir d’achat a bien diminué. Notamment parce qu’ils aident leurs enfants et leurs petits enfants, en proie à des difficultés financières. Du coup, en 2013 les vacances sans nuitée se sont développées. Beaucoup de Français partant à la journée et privilégiant les activités de proximité.
Les classes moyennes ne sont pas épargnées par le phénomène…
En effet, c’est la première année que l’on constate un tel décrochage concernant leurs départs en vacances. Car seuls 38% des foyers gagnant entre 1.500 et 2.500 euros net ont pu s’offrir un hébergement payant pour une escapade d’au moins une nuit en 2013, soit un recul de 4 points par rapport à 2012. Car la peur de l’avenir n’est pas l’apanage d’une classe sociale. Les Français des classes moyennes redoutent la précarité et les hausses d’impôts, donc sont plus enclins à limiter leurs dépenses. Et les aides aux vacances offertes par les comités d’entreprise aux salariés ont fortement diminué ces dernières années.
L'industrie touristique s’est-elle suffisamment adaptée à cette nouvelle donne financière pour étoffer son offre de séjours à bas prix?
Oui, d’ailleurs les logements à petits prix se sont bien loués l’été dernier et les emplacements avec tente dans les campings ont connu un regain d’intérêt. Les offres de séjours de dernière minute ont été très nombreuses en juillet mais n’ont pas déclenché beaucoup d’achats. Ce qui prouve qu’il y avait un vrai problème de pouvoir d’achat à ce moment là.
Cette tendance au renoncement aux vacances va-t-elle perdurer?
C’est à craindre, tant que la reprise ne sera pas là et que le marché de l’immobilier sera aussi haut dans les grandes villes.