INTERVIEWParis: «Les métropoles sont un lieu propice à l’infidélité»

Paris: «Les métropoles sont un lieu propice à l’infidélité»

INTERVIEWNadine Cattan, directrice de recherche au CNRS et co-auteur de l’«Atlas des sexualités» en détaille les raisons pour «20 Minutes»…
Mathieu Gruel

Mathieu Gruel

Elle est partout. Des sites de rencontres extraconjugales aux incartades supposées à la tête de l’Etat, l’infidélité a de beaux jours devant elle. Surtout dans les grandes métropoles, où elle s’affiche un peu plus qu’ailleurs. Alors qu’une étude de l’Ifop* pour Gleeden, portant sur l’infidélité en Europe, est publiée ce jeudi, «20 Minutes» a demandé quelques explications à Nadine Cattan, co-auteur de l’«Atlas des sexualités».

Peut-on dire que l'infidélité est plus présente dans les grandes villes?

Il faut être nuancé. Les métropoles sont un lieu propice, car l'interaction entre les individus y est plus grande. Et puis, le sentiment d'anonymat peut jouer. C'est aussi dans les métropoles que l'on voit éclore de nouvelles expérimentations... Comme le sex-friend. Mais ça ne veut pas dire que ça n'existe pas ailleurs, dans d'autres villes ou à la campagne.

Mais pourquoi semble-t-elle être plus revendiquée dans les grandes villes?

Elle n'est pas revendiquée de la même manière. Dans les grandes métropoles, la population est plus jeune. Les catégories socioprofessionnelles supérieures y sont aussi plus massivement représentées. Et elles ont moins de mal avec cette notion d'infidélité, dont les raisons évoquées pour l’expliquer sont d'ailleurs souvent liées au besoin de décompresser. On la présente alors comme une parenthèse, une bulle d'oxygène. Ce qui colle assez bien à cette idée de stress souvent ressentie dans les grandes villes.

Peut-on dire que le regard sur l'infidélité a évolué ces dernières années?

Il y a effectivement eu un changement de discours. Il est difficile de le dater, mais on peut estimer qu’il est apparu il a une dizaine d'années. Aujourd'hui en Europe, hommes et femmes ont désormais le même regard sur l'infidélité, puisqu'ils sont 68% à penser que l'infidélité est le secret de la longévité de leur couple.

Comment expliquer cette évolution?

La société tend vers l'individualisme et place l'épanouissement de soi avant l'autre. Cela encourage le zapping. En fait, on veut tout avoir tout de suite et s'épargner les contraintes socio-familiales, en conjuguant couple et désir. Internet et le numérique ont également joué les facilitateurs. Ces sites de rencontres n'auraient pas suscité un tel engouement s’ils n’avaient pas trouvé un tel écho dans la société.

Pourtant, ces sites n'hésitent pas à communiquer sur les bus, dans le métro...

Oui, c'est une sorte de paradoxe de nos sociétés modernes et libérées, mais qui restent un peu puritaines. Même si la sexualité s'affiche partout, les études sérieuses sur le sujet restent peu nombreuses.

Pourquoi l'infidélité est-elle aussi difficile à mesurer?

D'abord parce que les statistiques sur la question sont très difficiles à trouver. Pour notre atlas mondial des sexualités, nous nous sommes basés sur les données du site de rencontres extraconjugales Gleeden.com. Et même si beaucoup d'autres sites du même genre ont fleuri depuis, ils communiquent peu. Aussi pour ne pas effrayer leurs utilisateurs, qui cherchent avant tout l'anonymat.

*Etude réalisée du 7 au 9 janvier 2014 via Internet, selon la méthode des quotas sur un échantillon de 4.879 personnes, représentatif de la population française, allemande, britannique, belge, espagnole et italienne âgée de 18 ans et plus.