Paradoxe des maths en France: des pointures mais trop d'élèves dégoûtés

Paradoxe des maths en France: des pointures mais trop d'élèves dégoûtés

Perçues parfois comme un rabâchage de formules abstraites, ...
© 2014 AFP

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Perçues parfois comme un rabâchage de formules abstraites, les maths sont la bête noire d'un quart des élèves français de plus en plus touchés par l'innumérisme, alors que la filière scientifique reste la voie royale vers des écoles prestigieuses.

«Les maths sont enseignées sans qu'on arrive à communiquer aux élèves le sens de ce qu'ils font: Aujourd'hui, on fait des maths en 4e pour être prêt à faire les maths de 3e», résume Martin Andler du département et laboratoire de mathématiques de l'université de Versailles, rattaché au CNRS.

Alors qu'un mathématicien sur quatre récompensés par la médaille Fields (souvent comparée au prix Nobel) est français, 40.000 élèves sont touchés chaque année par l'innumérisme -équivalent de l'illettrisme pour le calcul et les nombres-, selon l'enquête Pisa (OCDE) publiée en décembre.

«Le système français est très fort pour produire des mathématiciens de haut vol qui deviennent des sommités mondiales, mais il est très mauvais pour former de bons élèves capables de poursuivre des études scientifiques», selon M. Martin Andler.

Selon l'OCDE, 22,4% des élèves français de 15 ans ne possèdent pas les connaissances mathématiques leur permettant de faire face aux situations de la vie courante, la France se plaçant en-dessous de la moyenne des 34 pays de l'organisation (18e).

«L'école a fait des maths une science d'imbéciles faite d'apprentissage par coeur de techniques et d'application de règles abstraites sans savoir pourquoi», regrette le mathématicien Michel Broué, grand nom de l'école française et spécialiste de l'algèbre.

Selon ce professeur à l'université Paris-Diderot et ancien directeur de l'institut Henri-Poincaré, l'école a forgé une image «technicienne» aux mathématiques provoquant «un rejet chez une grosse majorité d'élèves», alors que cette discipline est «le lieu même de l'imagination, de l'intuition et de l'esthétique».

- Paradoxe français -

«C'est la seule discipline dans laquelle l'élève peut prouver au maître que le maître à tort car elle repose sur la rigueur intellectuelle et la démonstration, qui ne sont malheureusement pas enseignées», dit-il.

«Le paradoxe, c'est que dans le système français, les mathématiques restent la filière de luxe pour l'accès à des études supérieures notamment par le biais des concours, alors qu'on les enseigne mal», poursuit le mathématicien.

Apparu avec Polytechnique en 1794, le recrutement sur concours, qui représentait un pas guidé par les idées de la Révolution vers un système plus équitable de recrutement des élites, s'est développé avec la massification des grandes écoles dans les années 1970.

«Or, on se rend compte aujourd'hui que la redistribution sociale par le biais du système des concours est extrêmement limitée et que les mathématiques n'échappent pas à la corrélation avec le niveau social des familles», explique Martin Andler.

Un rapport de l'inspection générale de l'Education nationale avait déjà relevé en 2010 que les capacités d'abstraction nécessaires à la pratique des maths étaient plus familières aux milieux favorisés.

«La France a une passion pour le recrutement par examen en temps limité et les mathématiques sont très bien adaptées à ce type de sélection car il est bien plus facile de noter un devoir de maths qu'une dissertation», mais la méthode n'est pas justifiée dans une majorité de filières, selon Martin Andler.

«Il y a un abus de leur utilisation notamment dans les cursus de médecine et de vétérinaires,» selon Michel Broué, soulignant que les maths «ne sont pas une clef universelle».

Selon le mathématicien, les mauvais résultats des élèves en maths «tiennent aussi à une paupérisation du métier d'enseignants, qui sont en France parmi les moins bien payés d'Europe».

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