A Bussy-Saint-Georges, l'anonymat et la solitude d'une ville dortoir
Il est resté pendu durant huit ans dans son appartement sans ...© 2014 AFP
Il est resté pendu durant huit ans dans son appartement sans que personne ne s'en rende compte: ce fait divers macabre survenu dans la ville nouvelle de Bussy-Saint-Georges (Seine-et-Marne), près de Paris, illustre la solitude dans la France périurbaine.
«L'histoire du pendu? Ça ne m'a pas du tout étonné que ça arrive ici! C'est une ville dortoir», lâche Catherine Brun, 50 ans, qui tente tant bien que mal de tenir ses deux chiens en laisse au milieu d'une place déserte battue par les vents.
A trente kilomètres à l'est de la capitale, Bussy est une sorte de mini-Brasilia à la sauce néoclassique: colonnes doriques, statues de style néo-grec sur une grande place, façades couronnées de frontispices...
En dehors du centre-ville, le plan, tracé à l'équerre, offre un paysage monotone de grandes avenues et de contre-allées au gazon bien taillé qui rappelle l'ambiance des banlieues américaines, à peine égayée par quelques étangs.
Dans le centre, tout est organisé autour de la gare.
«Tout le monde prend le RER A le matin et travaille à Paris», explique Simon Bonnenfant, ingénieur de 28 ans, qui a eu «un choc» en arrivant de Vendée. Selon lui, «dans cette ville, personne ne se connaît. Le jour c'est mort. Et le soir aussi».
Près de 8.000 personnes se rendent chaque jour à la gare de Bussy-Saint-Georges pour prendre le RER A, la ligne ferroviaire urbaine la plus importante d'Europe, selon la RATP. «Le matin, dès 06H30, les quais sont blindés, c'est la jungle», soupire Thierry, un habitué, qui dit vivre à Bussy pour la tranquillité.
- Turnover d'enfer -
Bussy-Saint-George, ville symbole du «métro-boulot-dodo» de la vie francilienne, a connu une croissance démographique vertigineuse, passant d'un millier d'habitants au début des années 1990 à près de 27.000 aujourd'hui.
«L'histoire du pendu montre qu'il n'y a pas de lien social», affirme Chantal Brunel, candidate UMP aux municipales. «Il y a une urbanisation effrénée, on a construit, construit, mais sans penser le coeur de ville.»
«Il n'y a pas d'ancrage de la population, très peu de personnes sont là depuis plus de 15 ans. Tous les gens veulent partir, il y a un turnover d'enfer», glisse-t-elle, proposant comme mesure phare «le gel de l'urbanisation».
Car les grues continuent de remuer ce qui reste de parcelles vides. Un «éco-quartier» de 117 hectares avec 4.500 logements sort de terre «puisque la ville est programmée pour accueillir 40.000 habitants d'ici 15 ans», assure-t-on à la mairie.
Le géographe Michel Bussi explique cet attrait. «Toutes les tentatives pour lutter contre l'extension périrubaine ont échoué, dit ce chercheur au CNRS, car le modèle pavillonnaire venu des +surburbs+ américaines avec voiture individuelle et une vie entre ville et nature continue d'être souhaité.»
Autre particularité de cette commune située au coeur de la ville nouvelle de Marne-la-Vallée, «60% de la population» a moins de 25 ans, souligne le maire Hugues Rondeau.
«Il y a d'une part une population très mouvante, avec 15% de départs par an, ce qui est incroyable, mais il y a aussi une population stable, qui se plaît et est attirée par un parcours résidentiel pour ses enfants», relève l'élu du Centre national des indépendants et paysans (Cnip, droite), dont la gestion a été très critiquée par la Cour des comptes.
Dans une ville où la droite avait recueilli les trois-quarts des suffrages au premier tour des municipales en 2008, il devra affronter cette année, outre la candidate UMP Chantal Brunel, plusieurs concurrents de gauche et sans étiquette.
Dans ce contexte, «il faut redoubler d'efforts pour impliquer dans le débat local» des «populations nouvelles» qui «n'ont pas d'identification territoriale forte», relève le directeur du cabinet du maire, Florent Pérez, rappelant que l'abstention avait atteint 47% au second tour des municipales de 2008.