ALIMENTATIONUn an après le scandale des lasagnes au cheval, la traçabilité de la viande reste un mirage

Un an après le scandale des lasagnes au cheval, la traçabilité de la viande reste un mirage

ALIMENTATIONLes plats préparés n'affichent toujours pas l'origine de la viande...
20 Minutes avec AFP

20 Minutes avec AFP

Du cheval dans les lasagnes au boeuf! le scandale d'ampleur européenne a révélé l'opacité des circuits dans l'agroalimentaire sans que la transparence promise soit 100% garantie un an après. Le «horsegate» démarre par l'Angleterre en janvier 2013 avant que la tromperie ne soit découverte en France le mois suivant, à la veille du Salon de l'Agriculture, et n'éclabousse rapidement l'Europe: au total, plus de 4,5 millions de plats frauduleux ont été écoulés dans 13 pays, le public découvre effaré l'existence de «traders» en viande dont les affaires passent par Chypre, les Pays-Bas ou la Roumanie et celle du «minerai de viande», aggloméré de bas morceaux hachés vendus le plus souvent congelés.

La justice enquête encore

Un an plus tard, la justice enquête encore, l'entreprise Spanghero dans l'Aude, par qui le scandale est arrivé, peine à se relancer sous le nom de La Lauragaise et 60% des consommateurs maintiennent leur défiance envers les plats industriels, jugeant qu'ils manquent d'informations sur leur contenu (sondage Ipsos publié en novembre). Bien sûr, l'affaire n'a causé aucun tort sanitaire et même, insiste aujourd'hui le directeur général de l'Alimentation Patrick Dehaumont, elle «a mis en évidence la pertinence du dispositif sanitaire: si la nature de la viande avait été problématique, elle aurait été arrêtée à l'entrée à l'abattoir».

De fait, les chevaux, abattus en France, avaient fait l'objet des vérifications requises. Un motif de satisfaction alors que Findus, la première marque prise la main dans le sac - et pas la seule - s'est avérée incapable d'expliquer la provenance de la viande dans ses lasagnes. Sur ce point, tout le monde s'accorde pour dénoncer cette quête effrénée au moindre coût, qui fait courir industriels et fournisseurs à travers la planète.

«Du boeuf pas cher, ça n'existe pas»

«Le signal, ç'aurait dû être le prix: du boeuf pas cher, ça n'existe pas, donc le pro doit se poser des questions, et le transformateur ensuite. Or ils s'en sont accommodés sur toute la chaîne» lance Pierre Halliez, directeur général du Syndicat national des viandes (qui représente tout le secteur sauf la volaille). «On a un réseau de responsables qui laissent entendre qu'on peut toujours trouver moins cher et cette question là n'a pas été résolue» ajoute-t-il en dénonçant le comportement de grande distribution.

L'Europe ne veut pas d'une étiquette d'origine sur les plats préparés

La mention d'origine du boeuf, obligatoire sur l'étiquette depuis la crise de la vache folle en 1996 en France (et en 2000 en Europe), qui sera étendue ce mois-ci aux autres viandes sur une base volontaire, ne concerne en revanche toujours pas les plats préparés. Malgré l'engagement immédiat l'hiver dernier des pouvoirs publics, elle n'a même aucune chance d'être imposée dans l'immédiat puisque la Commission européenne n'en veut pas.Au plus fort de la crise, ce fut la promesse du ministre délégué à la Consommation Benoît Hamon et les dispositions figurent en bonne place dans sa loi, qui vient d'être adoptée au Sénat et sera promulguée au printemps.

Las, le dispositif étant soumis à validation européenne ne risque pas de voir le jour: Bruxelles a prétexté un «surcoût» pénalisant pour l'industrie, pourtant évalué à «0,7%, soit 1,5 centime par barquette de lasagne» selon l'UFC-Que Choisir. «Au final, l'Europe dit aux fraudeurs de tous poils: on parie sur votre sens civique et votre bonne conscience . Ce n'est pas sérieux», regrette le ministre, qui juge que «la transparence n'empêche pas la triche mais elle complique la vie des tricheurs». De même que les sanctions, multipliées par dix et qu'il espère dissuasives.

«Chapeau bas aux industriels et aux groupes de grande distribution: ils ont mené un lobbying efficace à Bruxelles!» s'insurge Jean-Pierre Fleury, secrétaire général de la Fédération nationale bovine (FNB). «Nos ministres de l'Agriculture (Stéphane Le Foll) et de la Consommation ont mené un travail courageux, mais la Commission s'assied dessus». La FNB s'est d'ailleurs constituée partie civile dans cette affaire - le SNIV et Interbev, l'inter profession bétails et viandes, envisagent de faire de même.

Un lobbying efficace à Bruxelles

«L'industrie agroalimentaire a-t-elle changé? Certains sous la pression, oui. D'autres pas du tout» tranche Olivier Andrault, chargé de mission Alimentation à l'UFC-Que Choisir. L'association de défense du consommateur a publié en décembre (10 mois après l'affaire) une étude méticuleuse montrant qu'en dépit des engagements d'auto-contrôle pris la main sur le coeur par les industriels, «dans presque tous les rayons les produits restent majoritairement muets sur la provenance de la viande». La moitié des produits surgelés seulement donnent l'information, six marques nationales sur dix n'en donnent aucune et seules deux marques de grande distribution jouent la transparence.